*** Mise à jour du 5 octobre 2020 : Voir aussi R. c. Préfontaine, 2020 QCCA 1138
La société a intérêt à ce qu’un de ses membres productifs qui n’a jamais eu de démêlés avec la justice, qui ne montre aucun signe de dangerosité et dont on peut être certain qu’il ne récidivera, ne soit pas mis à l’écart et devienne inactif sans que cette inactivité puisse de quelque façon réparer le préjudice subi.
[10] Quant au désaccord que le ministère public entretient avec le jugement relativement à la pondération des facteurs pertinents, celui-ci ignore pour ainsi dire l’évolution positive de l’intimé dans son processus de réhabilitation alors qu’une peine plus lourde pourrait compromettre les acquis constatés par le juge.
[11] Aussi, le ministère public passe sous silence le rapport présentenciel très favorable à l’intimé dans lequel on parle d’une criminalité situationnelle et d’un risque de récidive « peu probant » pour une personne sans antécédent judiciaire[9].
[12] Finalement, l’argumentaire du ministère public est insensible à la preuve documentaire déposée par l’intimé. Il y a d’abord le rapport du docteur St-Onge qui note que les troubles anxieux de l’intimé sont bien contrôlés[10]. Ensuite, la psychologue Léveillée conclut à une prise de conscience évidente par l’intimé de sa situation et de son désir de reprendre sa vie en main[11]. Il y a aussi la lettre de son employeur qui se déclare satisfait des services rendus par l’intimé tout en faisant état du souhait de maintenir le lien d’emploi avec ce dernier à la condition qu’il conserve sa liberté[12].
[13] La preuve convaincante de réhabilitation de l’intimé était de nature à rendre cet objectif prééminent[13] et permettait au juge de faire montre de clémence en dépit de la gravité de l’infraction en cause et de la sévérité des peines qu’elle entraîne habituellement.
[14] Par ailleurs, la Cour a reconnu qu’une peine d’emprisonnement discontinue permettait d’atteindre les objectifs de dissuasion et de dénonciation :
[6] Il y a lieu de noter que le législateur n’a imposé aucune peine minimale en matière de conduite dangereuse. En l’espèce, le juge a estimé que la peine discontinue permettait, dans les circonstances, un juste équilibre entre les principes de dissuasion et de dénonciation et celui, aussi très important, de la réhabilitation. L’auteur Ruby s’exprime ainsi à ce sujet :
One should not underestimate the impact of a weekend sentence as punishment. Forty-five weekends in prison, the court noted in Dickey, [1979] Q.J. No. 214, involves nearly all the weekends in an entire year and satisfies much of the need for exemplary sentences even in extremely serious cases. [14]
[15] Le juge Beauregard, bien que dissident dans l’arrêt R. c. Gauthier, pour d’autres raisons, écrivait :
La société a évidemment un intérêt à moyen et à long terme à ce que la peine soit très exemplaire afin qu’il y ait de moins en moins de cas du même genre.
En revanche la société a intérêt à ce qu’un de ses membres productifs qui n’a jamais eu de démêlés avec la justice, qui ne montre aucun signe de dangerosité et dont on peut être certain qu’il ne récidivera, [sic] pas soit mis à l’écart et devienne inactif sans que cette inactivité puisse de quelque façon réparer le préjudice subi.
Mettant dans la balance ces différents aspects de l’intérêt de la société il paraît opportun que l’appelant puisse continuer son travail, mais qu’il soit par ailleurs obligé, à 45 reprises, de se rendre à la prison et de passer ses week-ends où, normalement, il aurait eu d’autres loisirs; on aurait tort de prétendre qu’après avoir travaillé du lundi matin au vendredi soir, la perspective de passer son week‑end en prison à quarante-cinq reprises constitue une peine clémente au point de n’être pas dissuasive; à cela s’ajoute l’interdiction de conduire un véhicule durant dix (10) ans.[15]
[16] Cela dit, même si l’on devait différer d’opinion avec le juge sur la durée de la peine, ce qui n’est pas le cas, « on ne saurait de toute façon qualifier sa décision de déraisonnable dans les circonstances »[16].
[17] Au regard de la norme d’intervention applicable[17], le ministère public ne fait donc pas voir que les critères de l’individualisation et de l’harmonisation de la peine ont ici été mal conciliés au point qu’il en résulte une peine manifestement non indiquée.