Le requérant demande au Tribunal deux choses :
a) d’ordonner à l’intimée de procéder aux vérifications concernant l’existence ou l’inexistence des documents et renseignements demandés dans la requête;
b) de déterminer si la preuve à être effectuée devra l’être en fonction de la procédure prévue à l’arrêt Stinchcombe, [1991] CanLII 45 ou celle prévue à l’arrêt O’Connor, [1995] CanLII 51.
[20] Lors de l’audition, le requérant demande au Tribunal dans un premier temps de rendre une ordonnance obligeant l’intimée à effectuer des recherches appropriées et déclarer l’existence ou l’inexistence des documents et renseignements demandés.
[21] Bien que la requête en divulgation déposée au dossier de la Cour ne comporte pas une telle demande, il considère que sa demande est incluse dans la demande principale.
[22] L’intimée ne conteste pas le fait que cette demande n’apparaît pas à la requête écrite, mais conteste son utilité tout comme la requête en divulgation comme telle et demande au Tribunal de rejeter celle-ci purement et simplement.
[23] Le Tribunal est d’opinion qu’il est du devoir de l’intimée d’effectuer les démarches nécessaires lorsqu’une demande de communication est faite pour établir si les documents ou informations demandés existent. On retrouve d’ailleurs la même position dans les décisions de Sauvageau-Sasseville, [2015] QCCQ 524, l’arrêt McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, l’arrêt Berger, 500-01-020150-097, l’arrêt Archambault, 235‑01‑014890-131, l’arrêt Grignon et Charbonneau, 505-01-099738-110 et 505‑01‑116194-131 ainsi que l’arrêt Vignola, 750-01-036483-111.
[24] En effet, considérant que les corps policiers entretenant les appareils et les compagnies spécialisées telles qu’Électronique sécurité Thomas ltée relèvent de la poursuite, l’intimée a la possibilité d’effectuer ces vérifications contrairement au requérant.
[25] Dans l’arrêt McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, la Cour suprême mentionne que le ministère public doit faire des vérifications raisonnables lorsqu’il apprend que la police ou d’autres composantes de l’État ont en leur possession des éléments susceptibles d’être utiles à la poursuite ou à la défense. Ce principe a également été confirmé par la Cour suprême dans l’arrêt Quesnelle, 2014 CSC 46 (CanLII), [2014] 2 R.C.S. 390.
[26] Le Tribunal considère donc justifié la première demande du requérant.
[27] Quant à la deuxième demande, c’est le fardeau de la preuve qui est en cause. Si l’arrêt Stinchcombe s’applique, l’intimée a le fardeau de démontrer que les éléments ne sont pas pertinents ou sont privilégiés. Si au contraire l’arrêt O’Connor trouve application, ce sera au requérant de démontrer que les éléments qu’il cherche à obtenir sont « vraisemblablement pertinents » au sens de cet arrêt.
[28] La poursuivante a l’obligation constitutionnelle de transmettre à la défense les fruits de l’enquête policière ainsi que les éléments de preuve et les renseignements qui sont en sa possession ou sous son contrôle sauf ceux manifestement non pertinents ou protégés par certains privilèges.
[29] Cette obligation découle du droit qu’a l’accusé à une défense pleine et entière et à lui garantir un procès juste et équitable comme le reconnaît la Charte canadienne des droits et libertés.
[30] Dans l’arrêt Chaplin, 1995 CanLII 126 (CSC), [1995] 1 R.C.S. 727, la Cour suprême précise que l’obligation de divulgation incombant au ministère public n’est pas absolue même s’il doit pécher par inclusion.
[31] Dans l’arrêt McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, la Cour suprême indique que les policiers doivent inclure dans le dossier transmis à la poursuivante certaines informations qui ne concernent pas directement l’enquête en cours, mais qui se rapportent manifestement à la poursuite engagée contre l’accusé sans qu’il n’ait à en faire la demande.
[32] L’impact d’une obligation pour la défense de procéder par le biais d’une requête en divulgation de type O’Connor lui impose un fardeau de preuve plus lourd au niveau du critère de la pertinence.
[33] Dans l’affaire Rodrigues, [2015] QCCS 1395, le juge Cournoyer de la Cour supérieure retient de l’arrêt St-Onge Lamoureux, [2012] 3 R.C.S. que la possibilité de mauvais fonctionnement n’est pas conjecturale et que l’accusé doit avoir accès aux informations en lien avec la manipulation et l’entretien des alcootests.
[34] Il conclut que la poursuivante doit procéder à la divulgation de ces renseignements à la défense dans le cadre d’une divulgation de type Stinchcombe et non de type O’Connor
[35] Dans l’arrêt Ruest, 100-36-000328-155, le juge Pronovost de la Cour supérieure, siégeant en appel d’une déclaration de culpabilité de la Cour du Québec, vient à une conclusion contraire à celle du juge Cournoyer concluant que le régime de l’arrêt O’Connor doit s’appliquer pour une telle situation, appuyant sont jugement sur l’arrêt Jackson de la Cour d’appel de l’Ontario.
[36] Il ressort donc des décisions récentes qu’autant la Cour du Québec que la Cour supérieure est divisée sur la procédure à suivre en pareille circonstance.
[37] Il importe de rappeler que le Tribunal n’est pas lié par une décision d’une Cour d’appel d’une autre province. Et la Cour d’appel du Québec n’a pas encore tranché le débat.
[38] Dans l’arrêt Nguyen, 540-01-059437-130, la juge Larochelle fait une rétrospective détaillée des différentes décisions rendues en la matière et se rallie à la position du juge Cournoyer dans l’arrêt Rodrigues élaborant que la preuve doit être faite en fonction de l’arrêtStinchcombe.
[39] De plus, il importe de rappeler que les modifications législatives en cause prévoient que les résultats d’analyse d’alcool des échantillons sanguins d’un accusé font foi de son alcoolémie au moment de l’infraction « en l’absence de toute preuve tendant à démontrer le mauvais fonctionnement ou de l’utilisation incorrecte de l’alcootest approuvé ».
[40] Dans l’arrêt St-Onge Lamoureux, 2012 CSC 57 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 187, la Cour suprême reconnait que les nouvelles dispositions sont contraires à la présomption d’innocence garantie par l’alinéa 11d) de la Charte, mais elles sont sauvegardées par l’article premier puisque l’accusé a la possibilité de réfuter les résultats d’analyse.
[41] Il incombe donc à l’accusé qui veut réfuter les présomptions de présenter une preuve directe quant au fonctionnement ou à l’utilisation de l’alcootest.
[42] La Cour suprême énonce clairement que les moyens de preuve portant directement sur l’appareil relèvent de la poursuite. En conséquence, elle doit donner accès à certaines informations concernant l’entretien et la manipulation de l’appareil. Elle ajoute que les personnes qui entretiennent et utilisent les appareils relèvent également de la poursuite.
[43] Donc, la Cour suprême reconnait que les détenteurs des moyens de preuve portant directement sur un appareil et les personnes qui entretiennent et utilisent les appareils, sont aux fins de divulgation, subordonnés à la poursuite. Elle reconnait également la pertinence des moyens de preuve qui portent directement sur les appareils ainsi que sur leur entretien et leur manipulation pour contester la fiabilité des résultats.
[44] Et l’on ne peut ignorer que l’application du régime de type O’Connor alourdirait les procédures judiciaires en matière d’ivressomètre. Les juges de première instance devraient débuter les procès par l’audition des requêtes en communication et le cas échéant, ajourner les affaires pour l’exécution des ordonnances et la préparation de la défense.
[45] Le Tribunal est d’opinion que cette façon de faire serait contraire aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Jordan qui recherche une plus grande efficacité des tribunaux de première instance à l’intérieur d’un délai déterminé.