Le mot « immédiatement » a un sens bien connu, qui ne peut être mis de côté dans un but de commodité administrative, mais qui peut l’être, pour une courte période, lorsqu’il est question de la valeur du test (vu le texte de la loi) ou lorsque ce court délai ne met en cause que l’opération de l’appareil (comme dans R. v. Anderson, 2014 SKCA 32) ou lorsqu’il est causé par une quelconque défectuosité.
Des circonstances inhabituelles directement reliées à l’opération de l’appareil ou à la fiabilité du résultat peuvent justifier un court délai, mais la simple nécessité d’attendre l’arrivée d’un ADA ne doit pas être considérée comme une telle circonstance
Pour que l’ordre soit valide, il faut donc que le policier soit en mesure d’ordonner à l’accusé de fournir immédiatement un échantillon d’haleine, avant même d’avoir le temps, de manière réaliste, de communiquer avec un avocat, ce qui signifie qu’il doit avoir immédiatement accès à un ADA.
[39] En somme, le mot « immédiatement » a un sens bien connu, qui ne peut être mis de côté dans un but de commodité administrative, mais qui peut l’être, pour une courte période, lorsqu’il est question de la valeur du test (vu le texte de la loi) ou lorsque ce court délai ne met en cause que l’opération de l’appareil (comme dans R. v. Anderson, 2014 SKCA 32) ou lorsqu’il est causé par une quelconque défectuosité. Si une telle défectuosité ne peut être prévue, elle entrerait dans le champ des circonstances inhabituelles évoquées dans les arrêts Woods et Bernshaw. En d’autres termes, on ne devrait pas pouvoir conclure que, devant un appareil qui s’avère défectueux, il n’y aurait rien à faire et que le conducteur doit être tout simplement libéré s’il ne manifeste pas d’autres symptômes. Peut-être devrait-on alors donner accès à un avocat, mais c’est une autre question.
[40] Bref, des circonstances inhabituelles directement reliées à l’opération de l’appareil ou à la fiabilité du résultat peuvent justifier un court délai, mais la simple nécessité d’attendre l’arrivée d’un ADA ne doit pas être considérée comme une telle circonstance.
[41] Dans Woods, le juge Fish entérine l’opinion de la juge Arbour, alors à la Cour d’appel de l’Ontario, qui rappelle le lien nécessaire entre le concept d’« immédiateté » et le droit à l’assistance d’un avocat :
34 Dans R. c. Cote (1992), 1992 CanLII 2778 (ON CA), 70 C.C.C. (3d) 280 (C.A. Ont.), l’agent de police n’avait pas non plus d’appareil de détection dans sa voiture. Il a emmené en voiture l’accusé à un poste de police à neuf minutes de là et n’a pu procéder au prélèvement de l’échantillon d’haleine que cinq minutes après leur arrivée. L’accusé a refusé d’obtempérer à l’ordre de l’agent et a été inculpé en vertu du par. 238(5) (maintenant le par. 254(5)) du Code criminel. La Cour d’appel de l’Ontario a annulé la déclaration de culpabilité et l’a remplacée par un acquittement.
35 S’exprimant au nom de la cour, la juge Arbour (plus tard juge à la Cour suprême du Canada) a cité le passage de l’arrêt Grant que j’ai reproduit et a expliqué :
[TRADUCTION] Si l’accusé doit être emmené à un détachement, où il est plus facile, que sur le bord de la route, de donner suite à sa demande de communiquer avec un avocat, une bonne partie de la justification donnée dans Thomsen tombe. Autrement dit, si l’agent de police n’est pas en mesure d’ordonner à l’accusé de fournir un échantillon d’haleine avant que celui-ci ait, de façon réaliste, la possibilité de consulter un avocat, l’ordre de l’agent n’est pas un ordre fait en vertu du par. 238(2). Il ne s’agit pas strictement de calculer le nombre de minutes comprises dans le mot « immédiatement ». En l’espèce, l’agent était prêt à prélever un échantillon d’haleine en moins de la moitié du temps qu’il a fallu à l’agent dans Grant. Toutefois, vu les circonstances, en particulier l’attente au détachement, je conclus que l’ordre n’a pas été donné au sens du par. 238(2). Comme l’ordre n’est pas conforme au par. 238(2), l’Appelant n’était pas tenu d’obtempérer et son refus ne constitue pas une infraction. [Je souligne; p. 285.]
36 C’est pour ces raisons qu’il nous est constitutionnellement interdit d’élargir le sens de « immédiatement » au par. 254(2) de manière à englober le retard survenu en l’espèce.
[42] Pour que l’ordre soit valide, il faut donc que le policier soit en mesure d’ordonner à l’accusé de fournir immédiatement un échantillon d’haleine, avant même d’avoir le temps, de manière réaliste, de communiquer avec un avocat, ce qui signifie qu’il doit avoir immédiatement accès à un ADA.
…
En tenant compte que le droit à l’avocat est suspendu en raison du très court délai avant de fournir un échantillon d’haleine à l’aide d’un ADA (un délai tellement court qu’il n’accorde même pas le temps raisonnable pour communiquer avec un avocat, ce qui explique la suspension de ce droit), le mot « immédiatement » ne peut justifier un délai supérieur au délai nécessaire pour opérer adéquatement l’appareil ou obtenir un test fiable selon les faits constatés par le policier.
[70] En tenant compte que le droit à l’avocat est suspendu en raison du très court délai avant de fournir un échantillon d’haleine à l’aide d’un ADA (un délai tellement court qu’il n’accorde même pas le temps raisonnable pour communiquer avec un avocat, ce qui explique la suspension de ce droit), le mot « immédiatement » ne peut justifier un délai supérieur au délai nécessaire pour opérer adéquatement l’appareil ou obtenir un test fiable selon les faits constatés par le policier. Il ne permet certainement pas d’accorder un délai supplémentaire dans l’attente de l’appareil, contrairement aux enseignements de l’arrêt Petit qui ne doivent plus être suivis, parce qu’ils vont à l’encontre de ceux de la Cour suprême, en élargissant la portée de la responsabilité pénale au-delà des limites acceptables : R. c. Chaulk, 1990 CanLII 34 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1303, p. 1353.