Au Québec, le juge seul qui entend les procès par voie de mise en accusation est un juge de la Cour du Québec (art. 552 C.cr.), donc un juge de nomination provinciale[1]. Par conséquent, agissant comme juge seul selon l’art. 552 C.cr. ou comme juge de la cour provinciale selon l’art. 553 C.cr., s’il a compétence pour déclarer inopérante à l’endroit de l’accusé une disposition incompatible avec la Charte, il ne peut prononcer une déclaration formelle selon laquelle la disposition est inopérante ou inconstitutionnelle pour tous en vertu du paragr. 52(1) de la Charte.
[60] Au Québec, le juge seul qui entend les procès par voie de mise en accusation est un juge de la Cour du Québec (art. 552 C.cr.), donc un juge de nomination provinciale[1]. Par conséquent, agissant comme juge seul selon l’art. 552 C.cr. ou comme juge de la cour provinciale selon l’art. 553 C.cr., s’il a compétence pour déclarer inopérante à l’endroit de l’accusé une disposition incompatible avec la Charte, il ne peut prononcer une déclaration formelle selon laquelle la disposition est inopérante ou inconstitutionnelle pour tous en vertu du paragr. 52(1) de la Charte : Bazile c. R., 2022 QCCA 1009, paragr. 49; Griffith c. R., 2023 QCCA 301, paragr. 84. C’est la conclusion qu’il faut tirer des propos suivants de la juge en chef McLachlin dans R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, [2016] 1 R.C.S. 130, propos également acceptés par les juges de la minorité :
[15] Le droit applicable en la matière est clair. Un juge d’une cour provinciale n’est pas habilité à faire une déclaration formelle selon laquelle une règle de droit est inopérante en application du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Seul possède ce pouvoir un juge d’une cour supérieure ayant une compétence inhérente ou d’un tribunal qui en est légalement investi. Le juge d’une cour provinciale a toutefois le pouvoir de statuer sur la constitutionnalité d’une règle de droit lorsque la question est soulevée dans une instance dont il est à juste titre saisi. […]
[…]
[19] Conclure qu’une règle de droit n’est pas conforme à la Constitution permet à un juge de la cour provinciale de refuser d’appliquer cette règle dans l’affaire dont il est saisi. La règle de droit n’est pas pour autant inopérante suivant le par. 52(1)de la Loi constitutionnelle de 1982. Il est loisible aux juges de la cour provinciale de refuser d’appliquer la règle de droit dans des affaires subséquentes pour les motifs déjà exposés ou pour d’autres motifs qui leur sont propres. La règle de droit demeure toutefois pleinement opérante en l’absence d’une déclaration formelle d’invalidité par une cour ayant une compétence inhérente.
[Soulignements ajoutés]
[61] En d’autres mots, un juge de la Cour du Québec peut et même doit refuser d’infliger à l’accusé dont il préside le procès une peine fondée sur une disposition contraire à la Charte. En revanche, il ne peut la déclarer inopérante de façon générale. Bref, sa décision ne s’applique qu’aux parties alors que celle d’une cour supérieure (ou d’une cour d’appel) s’applique à l’ensemble de la province, avec les règles du stare decisis. Par conséquent, les autres juges de la Cour du Québec devront, dans tous les autres cas, se pencher à nouveau sur la question afin de déterminer si la disposition doit être inopérante à l’égard de l’accusé, à moins que la Cour supérieure (ou encore la Cour d’appel ou la Cour suprême) n’ait, entretemps, déclaré la disposition inconstitutionnelle.
Il va sans dire que cette règle n’est pas sans autres conséquences. Ainsi, les citoyens et citoyennes d’une même province pourront jouir de protections constitutionnelles différentes : celles conférées à l’accusé par le juge de la cour provinciale (et le juge seul au Québec) et celles qui demeurent la norme pour tous les autres. Plus particulièrement au Québec, seul l’accusé aura le droit de bénéficier d’une déclaration d’inopérabilité prononcée par la Cour du Québec, mais pas les autres Québécois, alors que dans les autres provinces, selon la décision rendue (inconstitutionnalité) par la Cour supérieure exerçant les pouvoirs prévus à l’article 552, tous pourraient en profiter, selon les termes de la décision, et pas seulement l’accusé.
[64] Il va sans dire que cette règle n’est pas sans autres conséquences. Ainsi, les citoyens et citoyennes d’une même province pourront jouir de protections constitutionnelles différentes : celles conférées à l’accusé par le juge de la cour provinciale (et le juge seul au Québec) et celles qui demeurent la norme pour tous les autres. Plus particulièrement au Québec, seul l’accusé aura le droit de bénéficier d’une déclaration d’inopérabilité prononcée par la Cour du Québec, mais pas les autres Québécois, alors que dans les autres provinces, selon la décision rendue (inconstitutionnalité) par la Cour supérieure exerçant les pouvoirs prévus à l’article 552, tous pourraient en profiter, selon les termes de la décision, et pas seulement l’accusé.
[65] On pourra répliquer que ce serait aussi le cas pour une décision rendue par une cour supérieure, mais à une autre échelle : la population d’une province a parfois des droits différents de ceux d’une autre province. Cela est vrai, mais il reste que l’existence de droits différents entre diverses provinces est une situation connue en raison de la règle du stare decisis qui fait en sorte, par exemple, qu’un arrêt prononcé par une cour d’appel d’une province n’est pas obligatoirement suivi par les juges d’une autre province. Des droits différents entre citoyens d’une même province représentent une situation beaucoup plus exceptionnelle.
[66] Qui plus est, le problème est exacerbé au Québec puisque, comme on l’a vu, la définition de « juge » prévoit, selon l’article 552 C.cr., qu’il s’agit d’un juge de la Cour du Québec, une cour de nomination provinciale, contrairement aux autres provinces. Autrement dit, au Québec, la Cour du Québec, peu importe la compétence exercée (sous l’art. 552 ou sous l’art. 553 C.cr.), n’a pas le pouvoir de déclarer formellement inconstitutionnelle une disposition contraire à la Charte. Pour ce faire, l’accusé devrait opter pour un procès devant un juge de la Cour supérieure, ce qui signifie nécessairement au Québec un procès devant jury, ou encore interjeter appel du jugement dans l’espoir que la Cour d’appel (et non un juge de la Cour supérieure) se prononce dans ce sens. Voilà, à mon avis, une bien mauvaise utilisation des ressources judiciaires, alors que cette utilisation est souventes fois invoquée pour justifier la décision d’une cour provinciale de faire preuve de retenue judiciaire sur la question de l’inconstitutionnalité lorsqu’elle conclut que la peine juste est supérieure ou égale à la peine minimale. Il y a toutefois encore plus à dire.
« Seul possède ce pouvoir un juge d’une cour supérieure ayant une compétence inhérente ou d’un tribunal qui en est légalement investi ». Le législateur pourrait à tout le moins investir de ce pouvoir le juge de la Cour du Québec qui siège à titre de juge de l’article 552 C.cr. pour queles citoyens et citoyennes de cette province aient les mêmes droits que ceux et celles des autres provinces.
[68] Cette épineuse question devrait peut-être être revue, mais ce n’est pas à une cour d’appel de le faire. Seule la Cour suprême le peut, quoique le législateur fédéral le puisse également, selon la juge en chef McLachlin dans Lloyd : « Seul possède ce pouvoir un juge d’une cour supérieure ayant une compétence inhérente ou d’un tribunal qui en est légalement investi » [je souligne]. Le législateur pourrait à tout le moins investir de ce pouvoir le juge de la Cour du Québec qui siège à titre de juge de l’article 552 C.cr. pour que les citoyens et citoyennes de cette province aient les mêmes droits que ceux et celles des autres provinces.
[69] En somme, la juge de première instance n’avait pas la compétence pour déclarer la peine minimale inconstitutionnelle selon le paragr. 52(1) de la Charte, de sorte qu’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir examiné les situations hypothétiques invoquées par l’appelant puisque cela n’aurait rien pu changer au résultat : comme la peine de 6 mois était la peine juste, les situations raisonnablement prévisibles ne pouvaient rien y faire puisque, quel que soit le résultat, la peine juste serait infligée. Par ailleurs, si elle avait auparavant conclu que la peine minimale était exagérément disproportionnée par rapport à la peine juste en l’espèce, elle aurait déclaré celle-ci inopérante à l’endroit de l’accusé, sans évidemment avoir à se fonder sur des situations hypothétiques.
Dans Griffith, le juge Vauclair rappelle, aux paragr. 79-80, qu’une cour supérieure ne peut invoquer la retenue judiciaire pour justifier son refus d’examiner ces scénarios. Je suis d’avis que cette règle s’applique en appel à la condition, évidemment, que le dossier ait été « soigneusement préparé pour l’appel ».
[71] Je suis d’avis qu’il nous faut examiner les scénarios invoqués par l’appelant. Dans Griffith, le juge Vauclair rappelle, aux paragr. 79-80, qu’une cour supérieure ne peut invoquer la retenue judiciaire pour justifier son refus d’examiner ces scénarios. Je suis d’avis que cette règle s’applique en appel à la condition, évidemment, que le dossier ait été « soigneusement préparé pour l’appel » : Griffith, paragr. 85.
Lorsqu’il est question de peines minimales inconstitutionnelles, certaines infractions, bien que graves, peuvent être commises dans un vaste continuum de circonstances par une variété aussi vaste de personnes, incluant des personnes dont le niveau de culpabilité morale n’est pas très élevé et dans des circonstances moins graves. Ces infractions « relèvent d’une catégorie d’infractions pour lesquelles les peines minimales obligatoires sont particulièrement susceptibles d’être invalidées »
[77] Voici les six situations auxquelles l’appelant renvoie la Cour, telles que décrites dans sa requête en première instance :
Scénario 1
Un individu appelle un service d’escorte. Une agente d’infiltration lui propose une fille mineure de 16 ans. Il est surpris, mais ne dit rien. Il se rend sur place et il rencontre l’agente d’infiltration qui se présente comme l’agente des escortes. Il décide d’attendre la suite des choses pour voir la fille directement. Disons qu’elle existe, en la voyant il n’est pas intéressé et il veut quitter;
Tout comme dans notre situation, il ne réagit pas spécifiquement quand il est question de l’âge. Il ne fait aucune demande en ce sens. Il poursuit la démarche pour la rencontrer. Lorsqu’il rencontre l’agente d’infiltration qui se dit être l’agente de la fille, il ne fait pas demi-tour. C’est lorsqu’il rencontre la jeune fille que la réalité le frappe. Il fait demi-tour. Il a commis l’infraction. L’opération aurait pu s’arrêter bien avant et les policiers auraient pu procéder à son arrestation. Ici, nous avons le bénéfice de connaître cette suite. Il a commis l’infraction. Son changement d’avis survient trop tard;
Scénario 2
Nous reprenons la même trame factuelle que le premier scénario. La variante est que la jeune fille de seize (16) ans n’existe pas et ne pourra jamais être rencontrée par l’individu. Nous n’avons pas le bénéfice de connaître la réaction de l’individu en la voyant. Il s’est rendu à la chambre et les policiers l’ont immédiatement arrêté. Ici, l’individu risque une peine plus sévère que dans la première situation alors qu’il aurait pu avoir la même réaction que celle rapportée au scénario numéro 1;
Nous reprenons la même trame factuelle que le deuxième scénario. Toutefois, l’individu qui communique avec le service d’escorte est natif du Pérou et il a immigré au Canada en tant que résident permanent dans le cadre du programme de travailleur qualifié. Une peine minimale de six mois d’emprisonnement lui sera imposée. Dans un tel cas, une interdiction de territoire sans possibilité d’appel est automatiquement applicable en vertu des articles 36 et 64 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27). Or, si la peine en était une de six mois moins un jour, il lui serait possible de faire valoir des arguments pour demeurer au pays. Ainsi, une déclaration de culpabilité entraîne nécessairement une expulsion du pays sans égard au profil et aux faits spécifiques d’une affaire, le tout tel qu’exposé à la pièce R-5;
Scénario 4
Un individu appelle un service d’escortes. Une jeune femme répond. Il lui demande son âge, elle dit avoir 17 ans. Il est surpris, mais il ne raccroche pas. Il continue de lui parler. Ils conviennent de se voir pour avoir des rapports sexuels moyennant rémunération. Il se rend au rendez-vous. Rendu sur place, il fait demi-tour en la voyant. Il est arrêté par la suite. Dans ce cas, il a aussi commis l’infraction de leurre;
Scénario 5
Un individu communique avec une jeune fille sur un site de rencontres pour adultes. Il ne connaît pas son âge. La discussion tourne rapidement sur des sujets sexuels. Ils conviennent de se voir chez l’individu. Elle lui avoue son âge (16 ans) et elle lui demande de l’argent. Il accepte sur le coup. Juste avant la rencontre, il annule. La fin pourrait être modulée de façon différente, soit il se rencontre et change d’idée une fois qu’il la voit;
Scénario 6
Une personne âgée de dix-huit (18) ans texte un.e ami.e qui est mineure. Il sait qu’elle est une travailleuse du sexe. Ils conviennent d’avoir des rapports sexuels et la personne âgée de dix-huit (18) ans offre de l’argent à la personne mineure. Il a des sentiments pour elle, mais il ne veut pas lui avouer. Dans tous les cas, avant même la rencontre, la personne de 18 ans a commis l’infraction prévue à 286.1(2) C.cr. ainsi que celle de leurre.
[78] Les cinq premiers ne m’ébranlent pas. Je ne peux voir en quoi ces scénarios pourraient mener à la conclusion que la peine minimale est exagérément disproportionnée étant donné mes conclusions formulées précédemment sur la justesse de la peine. Je rappelle que la déclaration d’inconstitutionnalité est une décision lourde de sens et de conséquences, qu’il faut en principe respecter les vœux du législateur, que le fardeau du requérant est très lourd et que la simple disproportion ne suffit pas, ce que rappellent notamment les arrêts Lloyd, Nur, Bissonnette, 2022 CSC 23, Hills et Hilbach, 2023 CSC 3. Ces cinq scénarios, qui sont en grande partie similaires au présent dossier, ne me convainquent pas. En revanche, le sixième le fait.
[79] Cette situation hypothétique me ramène à l’arrêt R. v. Faroughi, 2024 ONCA 178, et dont je fais état plus haut. Dans cette affaire, l’appelant, âgé de 19 ans au moment des faits, se connecte à un site Internet faisant la promotion de services d’escortes. Il reçoit une réponse indiquant que la jeune fille est âgée de 14 ans. Il s’agit d’une réponse fictive, donnée dans le cadre du Projet Raphael, un projet similaire au Projet Défensif 3. Il y a toutefois une différence importante : l’appelant Faroughi a été arrêté dès son arrivée sur les lieux, sans que la police attende la fin d’une autre conversation avec l’agent d’infiltration et donc, sans donner l’occasion à l’appelant de confirmer l’âge de la jeune fille et, surtout, sans lui donner une autre occasion de mettre fin à son projet après une ultime rencontre avec l’agent d’infiltration. Comme je l’ai écrit plus tôt, cette dernière circonstance, particulière au présent appel, relève le niveau de la culpabilité morale de l’appelant, ce qui n’est pas le cas dans l’exemple que représente Faroughi.
[80] Comme dans le présent dossier, M. Faroughi a présenté une demande d’arrêt des procédures pour cause de provocation policière, demande qui a été rejetée tant en première instance qu’en appel.
[81] Voilà donc un cas qui s’apparente à la présente affaire, si ce n’est que l’appelant était beaucoup plus jeune (une circonstance atténuante favorable à une peine plus clémente, comme le souligne le juge Zarnett au paragr. 83), et a été arrêté dans des circonstances moins propices à un changement de direction dans sa démarche. Ces deux éléments de fait sont de nature à abaisser son niveau de culpabilité morale par rapport à celui de l’appelant Denis.
[82] Par ailleurs, l’appelant Faroughi, malgré son jeune âge, souffrait d’une dégradation sévère de sa santé qui le forçait à se déplacer avec une canne, ce que retient le juge d’appel :
[89] […], in this case there is a real risk that the appellant’s physical limitations will heighten the harms of incarceration that are often experienced by youthful offenders: see R. v. Hilbach, 2023 SCC 3, 477 D.L.R. (5th) 84, at para. 106.
[83] De telles considérations peuvent être prises en compte au moment d’élaborer des scénarios hypothétiques.
[162] Ainsi, puisque la gravité de l’infraction et la culpabilité de la personne délinquante sont peu élevées dans ce scénario et que le jeune âge de cette personne constitue une circonstance atténuante, la peine juste et proportionnée est le sursis au prononcé d’une peine d’au plus 12 mois de probation.
[85] En somme, Faroughi démontre que le sixième scénario, qui met en cause un jeune de 18 ans, ne peut être qualifié d’invraisemblable ou de trop éloigné de la réalité, même si les circonstances du scénario sont peut-être plus favorables à la thèse de l’appelant. Quoi qu’il en soit, Faroughi constitue un exemple d’une situation véritable d’application de la disposition. Je souligne que la peine minimale a été jugée inconstitutionnelle dans cette affaire.
[86] Lorsqu’il est question de peines minimales inconstitutionnelles, certaines infractions, bien que graves, peuvent être commises dans un vaste continuum de circonstances par une variété aussi vaste de personnes, incluant des personnes dont le niveau de culpabilité morale n’est pas très élevé et dans des circonstances moins graves. Ces infractions « relèvent d’une catégorie d’infractions pour lesquelles les peines minimales obligatoires sont particulièrement susceptibles d’être invalidées » (Hilbach, paragr. 2).
[87] Le sixième scénario fait état d’une situation qui se situe au bas de l’échelle des conduites visées par la disposition, tout en demeurant vraisemblable et suffisamment relié au présent dossier. Je ne prétends pas que ce type de scénario est susceptible de se répéter fréquemment. Je dis simplement qu’il est raisonnablement prévisible et qu’il n’est donc pas fantaisiste, invraisemblable et difficilement imaginable. Il ne s’agit pas davantage du délinquant le plus sympathique; il s’agit au contraire d’un délinquant qui, dans une situation raisonnablement prévisible, veut vivre une expérience sexuelle dans un contexte fort différent du présent appel. Quoiqu’elle soit criminelle, l’idée qu’un jeune veuille le faire n’est pas invraisemblable. Par ailleurs, les tribunaux peuvent modifier les faits de jugements antérieurs pour illustrer de tels scénarios.
Le paragr. 286.1(2) C.cr. constitue une infraction qui donne ouverture à une multitude d’applications, allant de la seule communication par une personne âgée de 18 ans en vue d’obtenir un baiser d’une personne un peu plus jeune jusqu’à l’obtention véritable de services sexuels de la part d’une personne mineure par une personne d’âge mûr.
[88] Le paragr. 286.1(2) C.cr. constitue une infraction qui donne ouverture à une multitude d’applications, allant de la seule communication par une personne âgée de 18 ans en vue d’obtenir un baiser d’une personne un peu plus jeune jusqu’à l’obtention véritable de services sexuels de la part d’une personne mineure par une personne d’âge mûr. Ceci est de nature à la rendre plus vulnérable sur le plan constitutionnel, comme le souligne la juge Bennett dans R. v. J.L.M., 2017 BCCA 258, avant de déclarer la disposition inconstitutionnelle :
[62] In my opinion, although the legislative intent to prevent harm to vulnerable children cannot be questioned, the offence “covers a wide array of situations of varying moral blameworthiness” (Lloyd SCC at para. 49), and captures not only those involved in the heinous act of juvenile prostitution, but also far less culpable conduct. There are, in my opinion, reasonable hypotheticals that demonstrate that the mandatory minimum sentence for this offence can be grossly disproportionate to the act and offender.
[89] L’examen de situations raisonnablement prévisibles doit se fonder sur l’expérience judiciaire et le bon sens. Il s’agit d’examiner « des circonstances imaginables qui pourraient se présenter couramment dans la vie quotidienne » : R. c. Goltz, 1991 CanLII 51 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 485, p. 516. C’est dans cet esprit que j’estime que le scénario plaidé par l’appelant et la jurisprudence (que ce soit Faroughi ou J.L.M., qui ont déclaré l’inconstitutionnalité de la disposition) mènent à la conclusion que la peine minimale ici sera exagérément disproportionnée à la peine juste et proportionnée dans des cas raisonnablement prévisibles. Ainsi, le sixième scénario invoqué par l’appelant mènerait vraisemblablement à un emprisonnement avec sursis ou à une peine de détention bien inférieure aux 6 mois, au point où la peine minimale serait exagérément disproportionnée.
[90] Par ailleurs, l’intimé et le mis en cause ne font valoir aucun argument sous l’article 1 de la Charte en vue de sauver la disposition. Il n’est donc pas approprié de procéder à cette analyse.
[91] Pour ces motifs, je propose que la Cour rejette l’appel de la décision sur la culpabilité, accueille la requête pour permission d’interjeter appel du jugement sur la peine, accueille cet appel en partie pour confirmer la peine d’emprisonnement de 6 mois infligée en première instance, mais pour déclarer, conformément au paragraphe 52(1) de la Charte, que la peine minimale obligatoire de l’alinéa 286.1(2)a) C.cr. est inconstitutionnelle et inopérante.