R. c. Thériault, 2017 QCCQ 4298

Le requérant allègue avoir été privé de son droit à l’assistance d’un avocat sans délai, de même qu’à l’accès à l’avocat de son choix.  Il demande l’exclusion des éléments de preuve obtenus à la suite de ces violations.

 

  1. A) L’accusé a-t-il été privé de son droit à l’assistance d’un avocat sans délai?

[18]        La Cour Suprême rappelle que le droit à l’avocat comporte trois éléments[3] :

  •      Informer la personne détenue de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat sans délai, de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde;
  •      Si la personne détenue indique qu’elle veut exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger);
  •      S’abstenir de tenter de soutenir des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger).

[19]        Il appartient à l’accusé d’établir, par prépondérance de preuve, qu’il y a violation.

[20]        À 17 h 26, dès la mise en état d’arrestation, le policier informe l’accusé de ses droits. Il comprend et désire récupérer son cellulaire afin de contacter un ami qui lui donnera le numéro de téléphone d’un avocat.

[21]        Par mesure de sécurité, le policier suspend l’exercice de ce droit jusqu’à l’arrivée au poste de police à 17 h 40. Un délai de 14 minutes s’écoule entre l’arrestation et la remise du cellulaire au poste de police.

[22]        Les motifs de sécurité invoqués par le policier sont justifiés. L’interception se fait en bordure de l’autoroute, la circulation est abondante, les véhicules circulent à haute vitesse, la présence d’une passagère, le non-respect du corridor de sécurité, la confidentialité et le poste de police situé à proximité sont certains éléments que le Tribunal retient.

[23]        Les faits en l’espèce sont importants. L’accusé dit au policier qu’il veut contacter un ami. En conséquence, avant qu’il puisse discuter avec un avocat, un minimum de deux appels seront donc nécessaires. Dans les circonstances, le policier décide que le délai pour se rendre au poste de police est raisonnable. Il avise l’accusé qu’il pourra contacter son ami et un avocat rendu là-bas. À partir de ce moment, le policier s’abstient de tenter de lui soutirer des éléments de preuve jusqu’à ce qu’il exerce son droit.

[24]        En conséquence, le délai de 14 minutes est raisonnable et l’accusé ne démontre pas que son droit à l’assistance d’un avocat sans délai a été violé.

  1. B) L’accusé a-t-il été privé de son droit de communiquer avec l’avocat de son choix?

[25]        À 17 h 40, l’accusé tente de contacter son ami avec son cellulaire. Le policier voit l’écran s’allumer et l’accusé lui dit « ça marche pas ». L’accusé soutient plutôt avoir dit que la batterie est « à plat » et qu’il ne se souvient pas du numéro de téléphone de son ami.

[26]        Après six minutes d’attente, le policier lui offre de contacter un avocat de l’aide juridique. L’accusé accepte et discute confidentiellement avec cet avocat jusqu’à 17 h 53. Par la suite, il se soumet aux prélèvements.

[27]        Le policier mentionne qu’en sa présence, l’accusé parle toujours de l’avocat de son ami en ne précisant pas son nom. L’accusé affirme avoir parlé de Me Sarto Landry dans la salle d’interrogatoire. Le Tribunal ne croit pas l’accusé. Il ne connaît pas personnellement Me Sarto Landry. Il le rencontre à une seule reprise avec son oncle en l’an 2000 et son ami a déjà retenu ses services professionnels.

[28]        Encore faut-il que l’accusé manifeste qu’il désire parler à un avocat en particulier et qu’il soit diligent dans l’exercice de son droit. Le policier lui facilite la tâche en lui remettant son cellulaire pour exercer son droit. Malheureusement, cela ne fonctionne pas. Il est invraisemblable de croire que le policier, alors qu’il connaît l’identité de l’avocat choisi, lui propose celui de l’aide juridique sans aucune autre démarche.

[29]        Le fait que l’accusé consulte un avocat plutôt qu’un autre ne change rien pour le policier et il n’a aucune raison de le priver de consulter celui de son choix. L’ouverture dont il fait preuve tout au long de l’intervention démontre plutôt le contraire.

[30]        Il n’y a pas intrusion dans l’exercice du droit à l’avocat de son choix lorsque l’accusé accepte l’offre du policier de parler avec un avocat de l’aide juridique, quelques minutes après sa tentative infructueuse pour rejoindre son ami.

[31]        L’accusé ne demande pas au policier de chercher les coordonnées de Me Sarto Landry, de son ami ni de son oncle. Il fait une tentative sur son cellulaire et accepte de discuter avec l’avocat de l’aide juridique, sans plus.

[32]        Considérant les principes dégagés par la jurisprudence[4], lors de l’intervention, le policier peut considérer que l’accusé comprend ce qui lui est lu. Il n’a pas à aller plus loin dans son obligation d’informer. Il n’a pas à l’informer de nouveau de ses droits une fois rendu au poste de police. La demande de l’accusé pour récupérer son cellulaire, alors qu’il est dans la salle d’interrogatoire, démontre qu’il comprend bien et désire exercer son droit.

[33]        De plus, l’accusé ne se plaint pas des conseils que lui prodigue l’avocat de l’aide juridique. Après la conversation, il se soumet aux prélèvements sans broncher. En aucun moment il n’est question de son ami, de son oncle, de Me Sarto Landry ou d’un autre avocat[5].

[34]        La diligence raisonnable dans l’exercice du droit à l’avocat inclut aussi le fait pour l’accusé d’exprimer son insatisfaction quant à la procédure suivie pour le choix de son avocat et quant aux conseils reçus[6]. Comme il ne le fait pas, le Tribunal conclut qu’il n’est pas diligent.

[35]        Relativement à l’intervention, l’accusé ne se décharge pas de son fardeau de démontrer que le policier manque à ses obligations et que son droit à l’assistance de l’avocat de son choix a été violé. L’objet visé par l’article 10b) de la Charte est respecté. En effet, l’accusé communique avec un avocat et s’entretient avec lui en privé sur la façon d’exercer ses droits.

[36]        Considérant l’absence d’une violation, il n’est pas nécessaire de procéder à l’analyse requise en vertu de l’article 24(2) de la Charte quant à l’exclusion de la preuve.