R. c. Vaillancourt, 2017 QCCM 34
L’échantillon d’haleine a-t-il été prélevé conformément à l’article 254(2) du Code criminel et dans le respect des droits constitutionnels du défendeur, particulièrement de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance de l’avocat de son choix ?
[49] L’une des raisons majeures d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat après avoir été placé en détention tient à la protection du droit de ne pas s’incriminer.
[50] La personne a alors immédiatement besoin de conseils juridiques, à cette étape initiale de la détention, afin de connaître l’existence du droit de garder le silence et d’être conseillée sur la façon d’exercer ce droit (R.c. Brydges [1990]
1 R.C.S 190)
[51] Il appartient à celui qui invoque l’alinéa 10 b) de prouver :
1.- soit qu’on ne lui a pas donné l’occasion de réclamer son droit;
2.- soit qu’il l’ait réclamé mais qu’on le lui a refusé;
3.- soit qu’il n’a pas compris lorsqu’on l’a informé de ce droit.
(R. c. Baig 1987 CanLII 40 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 537)
[52] Il incombe à la personne qui invoque que ses droits ont été violés de prouver, selon la balance des probabilités, qu’elle a droit à réparation demandée (R. c. Cobham 1994 CanLII 69 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 360).
[53] L’article 10 s’applique en cas d’arrestation ou de détention. Selon l’arrêt R. c. Feeney (1997) 1997 CanLII 342 (CSC), 2 R.C.S. 13, il y a détention au sens de 10 b) lorsqu’un agent de la paix restreint la liberté d’action d’une personne au moyen d’une sommation ou d’un ordre.
Au même effet : R. c. Grant 2009 CSC 32 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 353
R. c. Orbanski 2005 CSC 37 (CanLII), [2005] 2 R.C.S. 3
[54] La Cour suprême a rappelé, lors de l’arrêt R. c. Taylor 2014 CSC 50 (CanLII), [2014] 2 R.C.S. 495 l’objet du droit à l’assistance d’un avocat :
- Permettre aux personnes détenues de recouvrer leur liberté;
- Les protéger contre les risques d’incrimination involontaire en leur permettant de choisir de façon libre et éclairée de parler ou non aux autorités
[55] Dans le même jugement, la Cour suprême rajoute que trois obligations incombent aux policiers, soit :
1) Information : il s’agit d’informer du droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat, de l’existence de l’Aide juridique et des avocats de garde;
2) Facilitation : lorsque la personne indique vouloir exercer son droit, les policiers doivent lui donner la possibilité raisonnable de le faire en privé, sauf urgence ou danger, vu que la personne est sous contrôle étatique
3) Abstention : les policiers doivent s’abstenir de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à possibilité raisonnable de contacter un avocat, sauf situation d’urgence ou de danger.
[56] Lors de l’arrêt R c. Willier 2010 CSC 37 (CanLII), [2010] 2 R.C.S. 429, la Cour suprême avait reconnu, en ces termes, que l’alinéa 10b) incluait le droit à l’assistance de l’avocat de son choix :
«Si les détenus décident d’exercer leur droit à l’assistance d’un avocat en parlant à un avocat précis, l’al. 10b) leur accorde une possibilité raisonnable de communiquer avec l’avocat de leur choix avant d’être questionnés par la police. Si l’avocat choisi n’est pas immédiatement disponible, ils peuvent refuser de parler à un autre avocat et attendre pendant un délai raisonnable que l’avocat de leur choix leur réponde. Ce qui constitue un délai raisonnable dépend de l’ensemble des circonstances, notamment de facteurs comme la gravité de l’accusation et l’urgence de l’enquête : Black. Si l’avocat choisi n’est pas disponible dans un délai raisonnable, les détenus sont censés exercer leur droit à l’assistance d’un avocat en communiquant avec un autre avocat, sinon l’obligation qui incombe à la police d’interrompre ses questions est suspendue : R. c. Ross, 1989 CanLII 134 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 3; et Black. »
[57] Dans les circonstances révélées par la preuve, le défendeur a-t-il pu bénéficier des conseils de l’avocat de son choix et les policiers ont-ils facilité l’exercice de ce choix ?
[58] Je suis d’avis que le policier n’a pas respecté le volet «facilitation». Le policier aurait dû être proactif et vérifier si le second numéro était valide ou au moins il aurait dû laisser un message.
[59] Le policier aurait dû réaliser qu’il était relativement invraisemblable que le système réfère à un numéro hors service.
[60] Je suis d’avis que le droit du défendeur d’avoir recours à l’assistance de l’avocat de son choix a été enfreint.
[61] Le défendeur a été induit en erreur par le policier et, dans les circonstances, il devait suivre les conseils du policier. Dans la cause de D.P.C.P. c. Kumps 2014 QCCQ 2945 (CanLII), mon collègue le juge Érick Vanchestein a décrit dans quelle position se trouve une personne détenue :
«On ne peut s’attendre à ce qu’un citoyen respectueux de l’autorité qui coopère poliment et pleinement avec les policiers, se retrouvant pour une des premières fois de sa vie détenu à 4h00 du matin, commence à revendiquer ses droits haut et fort relativement à son insatisfaction face aux services juridiques qu’il vient de recevoir».
[62] Le fait de communiquer avec un avocat de l’Aide juridique n’est pas une renonciation au droit de s’entretenir avec Me Debkoski, ce qui ne constitue pas une critique des conseils qu’aurait reçu le défendeur de l’avocat de l’Aide juridique.
[63] Je ne me sens pas lié par la décision du juge Castonguay de la Cour supérieure puisque les faits de cette cause sont différents puisque l’enregistrement ne mentionnait pas un numéro de téléphone en cas d’urgence.