Par Me Félix-Antoine T. Doyon

Contexte et point à retenir

Le 4 juin 2008, Mr. Delorey a eu un accident. L’accident est survenu tard dans une soirée pluvieuse. L’accusé avait de l’alcool dans son sang au moment de l’accident. Il a également été démontré que monsieur allait à une vitesse excessive et que le mauvais état des pneus avant de la voiture a contribué à l’accident. Bien que les pneus fussent usés au moment où l’accusé a reçu la voiture, cette usure a aussi été causée par une conduite agressive de l’accusé (crissement des pneus sur la chaussée, etc.). La voiture avait été prêtée par un revendeur.

L’accusé a été déclaré coupable de conduite dangereuse causant la mort (249(4) C.cr.) et de conduite dangereuse causant des lésions corporelles (249(3) C.cr.). Il s’est par la suite pourvu en appel invoquant l’argument selon lequel le juge du procès avait erré en droit en lui imposant une obligation de diligence d’inspecter l’état des pneus du véhicule qu’il avait emprunté du revendeur. La Cour d’appel lui a donné raison et a ordonné un nouveau procès :

The question is whether a reasonable person in his situation ought to have been aware of the risk. In my view, a reasonable person taking delivery of a loaner vehicle from a car dealership which is responsible for that vehicle would not have been aware of the risk that its tires were below minimum standards. As the appellant submits, the moment that a vehicle leaves a car dealership, after having been in the dealership’s possession and under its care, should be the time when a consumer is most able to rely on the workmanship of the dealer. He should be able to presume that a loaner vehicle meets the standards for safety inspection. With respect, the judge erred in law in finding there was a duty of care upon the appellant to inspect the condition of the loaner vehicle tires. Even if there was such a duty, he erred in finding a breach of that duty constituted a marked departure from the standard expected of reasonable prudent person and hence blameworthy conduct amounting to dangerous driving[1].

Ainsi donc, il n’existe aucune obligation de diligence d’inspecter un véhicule qui a été prêté par un revendeur.

Actus reus et mens rea relatifs à l’infraction de conduite dangereuse (249 C.cr.)

a)      Actus reus

Le juge des faits doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que, du point de vue objectif, l’accusé, suivant les termes de la disposition concernée, conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu ».

b)      Mens rea

Le juge des faits doit également être convaincu, hors de tout doute raisonnable, que le comportement objectivement dangereux de l’accusé était accompagné de la mens rea requise. Dans son appréciation, le juge des faits doit être convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve relative à l’état d’esprit véritable de l’accusé, si une telle preuve existe, que le comportement en cause constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé (test objectif modifié). En outre, si l’accusé offre une explication, il faut alors, pour qu’il y ait déclaration de culpabilité, que le juge des faits soit convaincu qu’une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement de l’accusé[2]

La décision

En l’espèce, l’accusé tente de soulever un doute raisonnable en ce qu’il prétend que le mauvais état des pneus explique l’accident, et non sa conduite. Et à ce sujet, le mauvais état des pneus repose effectivement – en partie – sur la faute du revendeur, tel qu’il a été démontré en preuve (l’usure des pneus est en partie due à la conduite agressive de monsieur). Cependant, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse n’a pas acheté l’argumentaire de l’accusé. Elle a jugé en effet que même si M. Delorey était justifié d’avoir confiance en le véhicule qui lui a été prêté, incluant l’état des pneus, cela n’explique pas pourquoi il a décidé de conduire, après avoir consommé de l’alcool, à une vitesse excessive, spécialement dans des conditions pluvieuses sur un asphalte détrempé. Un aquaplanage aurait pu arriver même avec des pneus en bon état d’ajouté la Cour qui achète l’opinion de l’expert Sinclair. Tout conducteur devrait, à tout le moins, savoir cela. M. Delorey aurait dû savoir cela, conclut-elle[3].

 


[1] Voir R. v. Delorey, 2011 NSSC 234, au para. 154.

[2] R. c. Beatty, 2008 CSC, au para. 43.

[3] Supra note 1, au para. 168.