Par Me Félix-Antoine T. Doyon

La Cour d’appel du Québec, dans Ouellet c. R., 2013 QCCA 1217, rejette une demande d’absolution reliée au crime de possession de notamment 120 comprimés de méthamphétamines.

 

Voici les passages pertinents :

 

[24]        Le juge a énoncé les critères du paragraphe 730(1) C.cr. et c’est en se fondant sur ces critères, qu’il a appréciés à la lumière de la preuve administrée devant lui, qu’il a rejeté la demande de libération et plutôt prononcé une ordonnance de sursis de sentence et une probation de deux ans assortie des conditions déjà énoncées plus haut.

 

[25]        En ce qui concerne l’intérêt véritable de l’appelante, après avoir énoncé que l’absolution ne s’appliquait pas seulement aux violations triviales ou techniques de la loi et qu’elle était possible même dans le cas de possession de méthamphétamines, le juge a reconnu que l’inscription d’une condamnation au dossier de l’appelante pourrait avoir des conséquences négatives. Conformément aux enseignements de la jurisprudence, il a admis qu’il suffisait d’une possibilité de conséquences négatives et qu’il ne fallait pas que ces conséquences soient disproportionnées au regard de la gravité de l’infraction.

 

[26]        Le juge a cru le témoignage de l’appelante, il a manifesté un préjugé favorable à son égard et déterminé qu’elle était de « bonne moralité ». Il a, de plus, constaté son honnêteté face à la Cour et le fait qu’elle avait fait un sérieux examen de conscience de son parcours criminel.

 

[27]        Cette appréciation positive des caractéristiques personnelles de l’appelante a toutefois été tempérée par le fait que le juge n’était pas convaincu, compte tenu du passé de consommation de l’appelante, qu’elle ne recommencerait pas. Il a d’ailleurs noté que le rapport prépénal conditionnait l’absence de risque de récidive de l’appelante au maintien de son abstinence.

 

[28]        Par ailleurs, le juge a considéré qu’accorder une absolution en l’espèce nuirait à l’intérêt public. Conformément aux enseignements de la jurisprudence, il a identifié les composantes de l’intérêt public comme comprenant la dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence sur la communauté, l’attitude du public à son égard et la confiance de ce dernier dans le système judiciaire.

 

[29]        Les éléments déterminants à cet égard aux yeux du juge ont été au premier chef la gravité de l’infraction. L’appelante était en possession de 0,25 gr de cocaïne 120 comprimés de méthamphétamines. De plus, elle en transportait au bénéfice d’autrui. Le juge était bien fondé à en tirer une conséquence négative au titre de l’incidence de l’infraction sur la communauté aux prises avec le problème de la consommation de drogues dures par des étudiants du secondaire. Enfin, le juge a évalué avec justesse la responsabilité morale de l’appelante, en notant que ses habitudes de consommation ne pouvaient être excusées par un milieu familial laxiste :

Avec égard, madame, vous n’étiez pas née dans le ruisseau, vous n’aviez pas eu un exemple de consommation intra-familiale avec des valeurs laxistes et morales qui vous auraient fait comprendre un peu… – qui ne vous auraient pas fait comprendre le phénomène que vous viviez.

[30]        L’appelante invoque l’arrêt R. c. Berish rendu deux jours avant la décision de première instance. Dans l’arrêt Berish, notre Cour a confirmé une sentence d’absolution conditionnelle dans le cas d’un jeune homme de 18 ans qui a plaidé coupable à des infractions de possession en vue de trafic de 920 gr de cannabis et de 127 comprimés d’amphétamines. L’absolution conditionnelle était accompagnée d’une probation de deux ans, de 240 heures de travaux communautaires, d’une donation de 500 $ à la CAVAC en plus d’une ordonnance de confiscation d’une somme de plus de 70 000 $ saisie à sa résidence. En appel, la Couronne demandait une peine d’un an à être purgée dans la communauté.

 

[31]        Outre que cet arrêt ne pouvait avoir été porté à la connaissance du juge de première instance lors de l’audience sur la peine du 10 novembre 2011, il y a lieu de noter plusieurs différences entre les faits de cet arrêt et la situation de l’appelante en l’espèce. Au premier chef, l’intimé dans Berish était étudiant dans une école de métiers alors que l’appelante occupe un emploi à temps partiel dans le laboratoire d’une pharmacie où elle est en contact avec des médicaments d’ordonnance. Compte tenu de sa consommation, même après son arrestation et du rapport prépénal, le juge pouvait tenir compte du risque de récidive. De plus, dans l’arrêt Berish, au moment de l’audience sur l’appel, l’intimé avait été détenu plusieurs heures après son arrestation, ce qui l’avait marqué. Il avait respecté un couvre‑feu très sévère pendant plus de deux ans et avait déjà effectué 240 heures de travaux communautaires à raison de 70 allers-retours de travail bénévole auprès des plus démunis pendant autant de demi-journées.

 

[32]        De plus, en ce qui concerne la prise en considération par le juge de première instance du travail de l’appelante, il ne s’agit pas en l’espèce de la prise en compte d’un facteur du type « deux poids, deux mesures » comme celui dénoncé par la Cour dans l’arrêt Berish et comme le prétend l’appelante.

 

[33]        En tenant compte du principe de l’individualisation des peines et des circonstances propres à l’espèce, l’appelante ne fait pas voir en quoi le juge de première instance aurait mal exercé sa discrétion. Même après l’arrêt R. c. Berish, notre Cour a confirmé un refus d’accorder une absolution conditionnelle dans le cas d’un accusé ayant plaidé coupable à une infraction de possession de cinq comprimés de méthamphétamines. La Cour a alors rappelé que la possession de méthamphétamines est un crime grave et que la continuation de la consommation après l’arrestation justifiait la nécessité d’une condamnation pour dissuader le délinquant de commettre d’autres infractions.

 

* Voir aussi en la matière Ménard c. R., 2013 QCCA 683.

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