R. c. Côté, 2017 QCCQ 463

L’accusée allègue  que son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informée de ce droit a été violé.

 

1)    L’ALINÉA 10 B) DE LA CHARTE

[19]        Les droits d’une personne arrêtée à l’assistance d’un avocat, ainsi que les obligations des policiers en lien avec l’alinéa 10 b) de laCharte, ont récemment été analysés et résumés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Taylor[1] :

[25]      Il s’ensuit que, pour donner effet au droit à l’assistance d’un avocat, la police doit, sans délai dans les deux cas, informer les détenus des droits que leur garantit l’al. 10b) et faciliter l’exercice de ces droits sur demande en ce sens.  Cela signifie notamment qu’« à la demande [du détenu], on doit lui permettre d’utiliser le téléphone à cette fin s’il en est un de disponible » (Manninen, p. 1242). Tout cela parce que le détenu est sous le contrôle des policiers et ne peut exercer son droit de recourir à l’assistance d’un avocat que si ceux‑ci lui donnent une possibilité raisonnable de le faire.

[26]      Nul ne conteste que, tant que l’accès à un avocat qui est demandé n’a pas été fourni, les policiers doivent s’abstenir de prendre d’autres mesures d’investigation en vue de soutirer des éléments de preuve au détenu.

 [27]      De l’avis des juges majoritaires de la Cour d’appel, comme l’agent MacGillivray a reconnu qu’il aurait pu fournir son propre téléphone cellulaire, l’[traduction] « “erreur” commise en omettant de le fournir » a entraîné une violation de l’al. 10b).  Le ministère public conteste cette conclusion et je reconnais que, compte tenu des problèmes qu’une telle mesure soulève en matière de protection de la vie privée et de sécurité, les policiers ne sont pas légalement tenus de fournir leur propre téléphone cellulaire à une personne détenue.

[28]      Toutefois, les policiers ont néanmoins l’obligation de donner à une telle personne accès à un téléphone dès que cela est possible en pratique, afin de réduire le risque d’auto‑incrimination accidentelle, ainsi que l’obligation de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve tant qu’ils ne lui ont pas facilité l’accès à un avocat.  L’alinéa 10b) ne crée pas le « droit » d’utiliser un téléphone précis, mais garantit effectivement à l’intéressé l’accès à un téléphone pour qu’il puisse exercer son droit à l’assistance d’un avocat à la première occasion raisonnable.

[29]      Comme a conclu le juge du procès, l’agent MacGillivray a admis qu’il a commis une [traduction] « erreur » à l’hôpital et qu’il aurait donné à M. Taylor — et aurait pu lui donner — l’accès que demandait celui‑ci s’il s’était souvenu de le faire.  Autrement dit, M. Taylor aurait pu se voir accorder la possibilité de communiquer avec un avocat pendant qu’il se trouvait à l’hôpital si l’agent MacGillivray s’était souvenu de lui donner cette possibilité.  Ce dernier n’a fait état d’aucun obstacle d’ordre pratique à l’accès demandé, par exemple une urgence médicale, l’absence de téléphone ou même des difficultés à fournir à M. Taylor la possibilité de consulter son avocat suffisamment en privé.

(Références omises, soulignement du Tribunal)

[20]        Pour le Tribunal, il n’y a pas lieu, à cette étape, de s’attarder au nombre de minutes qui se sont écoulées entre l’arrestation de l’accusée et l’exercice de son droit. Ce délai sera utile lors du traitement de la question du « dès que matériellement possible », mais à cette étape reliée au droit à l’avocat, la question est plutôt celle de savoir s’il s’agit d’une « opportunité réaliste », lorsque l’on considère la possibilité qu’une personne détenue exerce son droit à l’assistance d’un avocat dans un véhicule de police.

[21]        La raison en est fort simple.

[22]        Le Tribunal ne considère pas qu’il puisse s’agir d’une opportunité réaliste seulement dans les situations où il y une attente. C’est une opportunité réaliste d’exercer son droit ou ce ne l’est pas. Le temps d’attente n’est d’aucune utilité dans l’évaluation de cette prémisse.

[23]        De plus, il deviendrait presque ingérable pour les policiers de savoir s’ils sont dans une situation où le délai est devenu suffisamment long pour donner ouverture à une opportunité réaliste ou non.

[24]        Pour le Tribunal, l’exercice du droit à l’avocat dans un véhicule de police entraîne des problèmes de confidentialité et de logistique évidents[2]. Il n’est pas réaliste de croire que cet environnement est propice à l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat dans des conditions qui permettent de respecter les conditions d’application de ce droit, ainsi que les obligations des policiers qui en découlent.

[25]        De plus, le Tribunal ne voit pas en quoi il devient plus urgent de permette à un accusé d’exercer son droit dans un véhicule de patrouille lorsqu’il y a un certain délai, que lorsqu’il n’y en a pas. Conclure qu’un véhicule de patrouille est un endroit suffisamment confidentiel et que les circonstances entourant la détention d’un accusé dans un tel véhicule équivaut à une opportunité réaliste pour celui-ci d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat, ferait en sorte que dans tous les cas où l’on procède à l’arrestation d’une personne et qu’on la détient, celle‑ci devrait se voir offrir l’opportunité de contacter son avocat dès qu’elle est placée dans le véhicule de patrouille, et ce, indépendamment du crime pour lequel elle est arrêtée.

[26]        Pour le Tribunal, il est évident que des contestations prendraient naissance en raison du fait qu’un tel environnement ne respecte pas les critères de confidentialité rattachés à l’exercice de ce droit.

[27]        De plus, l’opportunité réaliste ne peut dépendre d’éléments aussi aléatoires que la météo qui pourrait influer sur la possibilité pour les policiers d’observer l’accusé dans le véhicule alors qu’eux prennent place à l’extérieur de celui-ci. Ainsi, dépendamment de la température ou des conditions climatiques, les policiers pourraient refuser de sortir du véhicule et à ce moment, on pourrait plaider que cette décision contrevient au droit à l’assistance d’un avocat d’un accusé.

[28]        Pour le Tribunal, poser la question c’est d’y répondre. Surtout lorsque l’on considère que le transport au poste de police est nécessaire dans le cas d’une arrestation reliée à la conduite avec les capacités affaiblies et avec une alcoolémie supérieure à la limite légale, pour effectuer les tests à l’aide de l’alcootest approuvé.

[29]        Il est de la responsabilité des policiers de s’assurer de ne pas enquêter auprès de la personne détenue pendant cette période d’attente et dans le cas où certaines observations ou certains constats sont faits, l’accusé pourra alors, s’il l’estime approprié, demander l’exclusion des éléments de preuve, puisqu’ils auraient été obtenus en violation de ses droits.

[30]        Le risque est donc plus grand que les policiers soient privés de certains éléments de preuve, qu’un accusé s’incrimine accidentellement. Il convient de rappeler, qu’en plus du droit à l’avocat, une mise en garde reliée à son droit au silence est également donnée à l’accusé au moment de son arrestation. De plus, les policiers doivent s’assurer de la compréhension par l’accusé de ce droit.

[31]        Il va de soi qu’avoir accès à un avocat n’a aucune incidence sur la compréhension d’un accusé du fait qu’il peut garder le silence alors qu’il est présent dans le véhicule des policiers.

[32]        Pour le Tribunal, les avancements technologiques tels la disponibilité d’un téléphone cellulaire, ne crées pas une nouvelle opportunité réaliste d’exercice du droit à l’assistance d’un avocat par une personne détenue, alors qu’elle se trouve dans un véhicule de police sur les lieux de son arrestation.

[33]        Ce motif doit donc échouer.