Le droit à l’avocat.
Le présent pourvoi fait intervenir l’al. 10b). Il s’agit de décider si les policiers se sont acquittés de leur obligation d’aider M. Taylor à parler à un avocat « sans délai », comme il le demandait.
[21] L’alinéa 10b) a pour objet « de permettre à la personne détenue non seulement d’être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d’obtenir des conseils sur la façon d’exercer ces droits » : Manninen, p. 1242‑1243. Le droit à l’assistance d’un avocat « vise [. . .] à aider les détenus à recouvrer leur liberté et à les protéger contre le risque qu’ils s’incriminent involontairement » : R. c. Suberu, 2009 CSC 33 (CanLII), [2009] 2 R.C.S. 460, par. 40. L’accès à des conseils juridiques fait en sorte qu’une personne qui se trouve sous le contrôle de l’État et encourt un risque juridique « [est] en mesure d’exercer un choix libre et éclairé quant à la décision de parler ou non aux enquêteurs de la police. » : R. c. Sinclair, 2010 CSC 35 (CanLII), [2010] 2 R.C.S. 310, par. 25.
[22] Dans l’arrêt R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 173, le juge en chef Lamer a expliqué pourquoi l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat doit être facilité « sans délai » :
Cette possibilité lui est donnée, parce que, étant détenue par les représentants de l’État, elle est désavantagée par rapport à l’État. Non seulement elle a été privée de sa liberté, mais encore elle risque de s’incriminer. Par conséquent, la personne « détenue » au sens de l’art. 10 de la Charte aimmédiatement besoin de conseils juridiques, afin de protéger son droit de ne pas s’incriminer et d’obtenir une aide pour recouvrer sa liberté [. . .]. L’alinéa 10b) habilite la personne détenue à recourir de plein droit à l’assistance d’un avocat « sans délai » et sur demande. [. . .] [L]e droit à l’assistance d’un avocat prévu à l’al. 10b) vise à assurer le traitement équitable dans le processus pénal des personnes arrêtées ou détenues. [Italique ajouté; p. 191.]
[23] Il a également confirmé les trois obligations correspondantes qui ont été énoncées dans l’arrêt Manninen et s’imposent aux policiers qui arrêtent une personne ou la détiennent :
(1) informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde;
(2) si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger);
(3) s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger).
(Bartle, p. 192, citant Manninen, p. 1241‑1242; R. c. Evans, 1991 CanLII 98 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 869, p. 890; R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 203‑204)
[24] L’obligation d’informer le détenu de son droit à l’assistance d’un avocat prend naissance « immédiatement » après l’arrestation ou la mise en détention (Suberu, par. 41‑42), et celle de faciliter l’accès à un avocat prend pour sa part naissance immédiatement après que le détenu a demandé à parler à un avocat. Le policier qui procède à l’arrestation a donc l’obligation constitutionnelle de faciliter à la première occasion raisonnable l’accès à un avocat qui est demandé. Il incombe au ministère public de démontrer qu’un délai donné était raisonnable dans les circonstances (R. c. Luong 2000 ABCA 301 (CanLII), (2000), 271 A.R. 368, par. 12 (C.A.)). La question de savoir si le délai qui s’est écoulé avant que l’on facilite l’accès à un avocat était raisonnable est une question de fait.
…
[28] Toutefois, les policiers ont néanmoins l’obligation de donner à une telle personne accès à un téléphone dès que cela est possible en pratique, afin de réduire le risque d’auto‑incrimination accidentelle, ainsi que l’obligation de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve tant qu’ils ne lui ont pas facilité l’accès à un avocat. L’alinéa 10b) ne crée pas le « droit » d’utiliser un téléphone précis, mais garantit effectivement à l’intéressé l’accès à un téléphone pour qu’il puisse exercer son droit à l’assistance d’un avocat à la première occasion raisonnable.
…
[34] La personne qui entre dans un l’hôpital pour y recevoir des soins médicaux ne se trouve pas dans une zone sans Charte. Lorsqu’une personne a demandé à avoir accès à un avocat et qu’elle est sous garde à l’hôpital, les policiers sont tenus par l’al. 10b) de prendre des mesures pour vérifier s’il est dans les faits possible à cette personne d’avoir accès privément à un téléphone, eu égard aux circonstances. Comme la plupart des hôpitaux sont dotés de téléphones, la question ne consiste pas simplement à déterminer si le détenu se trouvait à l’urgence, mais plutôt si le ministère public a démontré que les circonstances étaient telles qu’une conversation téléphonique privée n’était pas raisonnablement possible en pratique.