R. c. Reid, 2017 QCCM 102

Le défendeur subit son procès pour avoir refusé d’obtempérer à l’ordre d’un agent de la paix de fournir un échantillon d’haleine aux fins d’analyse par un A.D.A. contrevenant à l’article 254(2) du Code criminel.

 

III.           ANALYSE

[33]      Le défendeur prétend ne pas avoir eu l’intention de refuser, mais uniquement d’avoir voulu discuter au préalable avec sa conjointe avocate.

[34]      Il soulève avoir eu une excuse raisonnable de ne pas obtempérer en ayant voulu exercer son droit à l’avocat au préalable.

[35]      En ce qui a trait à l’intention du défendeur, le Tribunal désire souligner que son témoignage a fait preuve d’une mémoire sélective des évènements et plus particulièrement en ne mentionnant qu’une seule demande de fournir un échantillon d’haleine malgré le temps écoulé pendant lequel il échange avec l’agent Bernard.

[36]      Nonobstant ce qui précède et en se limitant à la version offerte par le défendeur, il apparaît évident qu’il souhaitait parler avec sa conjointe avant de se soumettre à l’ordre de fournir un échantillon d’haleine formulé par l’agent Bernier. Ce qui laisse très peu d’équivoque quant à son intention.

[37]      Le Tribunal est d’avis que poser une telle condition pour obtempérer à l’ordre de l’agent de la paix est assimilable à un refus.

[38]      Rappelons que même le droit constitutionnel de consulter un avocat est suspendu dans les circonstances d’une interception dans le cadre d’un barrage routier et le conducteur doit obéir à l’ordre de fournir un échantillon d’haleine dans la mesure où l’échantillon peut être prélevé dans les meilleurs délais, comme dans la présente affaire[2].

[39]      D’ailleurs dans l’arrêt Woods[3], la Cour suprême du Canada mentionne :

« L’exigence d’immédiateté est implicite en ce qui concerne l’ordre de la police de fournir un échantillon d’haleine, et explicite quant à l’obéissance obligatoire : le conducteur doit fournir « immédiatement » un échantillon d’haleine. »

[40]      Le défendeur peut changer d’idée comme il est ici suggéré, mais encore faut-il que ce changement d’attitude ait lieu dans un court laps de temps après la constatation du refus.

[41]      Dans la présente affaire, ce n’est qu’après avoir été mis en état d’arrestation que le défendeur exprime son changement d’attitude.

[42]      Évidemment, la donne a changé, et il a pu parler à sa conjointe.

[43]      Le Tribunal est d’avis qu’un tel comportement fait échec aux dispositions de l’article 254(2) du Code criminel, lesquelles exigent, justement, que l’échantillon d’haleine soit fourni et analysé le plus rapidement possible.

[44]      Selon la preuve administrée, le Tribunal considère que le défendeur a refusé d’obtempérer à l’ordre du policier et avait l’intention de maintenir son refus tant et aussi longtemps qu’il n’aurait pas parlé à sa conjointe qui est avocate. Cette attitude ne lui est pas permise dans les circonstances où son échantillon d’haleine pouvait être prélevée presque immédiatement après que l’ordre lui a été donné, le tout en conformité avec le but recherché par les dispositions de l’article 254(2) du Code criminel.

[45]      Comme le souligne le juge Kenkel dans son ouvrage « Impaired Driving in Canada » :[4]

The Criminal code permits the police to investigate whether the accused driver’s blood alcohol level exceeds the legal limit by way of a screening device test performed at the roadside. The goal of all such testing is to screen intoxicated drivers at the side of the road, not at the scene of an accident. Roadside testing inevitably limits the accused’s rights including the right to speak with counsel, but given the pressing concern for public safety with regard to impaired drivers and the very brief interference with the accused’s liberty, the limit has been held to be a reasonable one under the Charter.

[46]      Le défendeur soumet au surplus, que s’il y a refus de sa part, son refus avait une excuse raisonnable en ce sens qu’il désirait parler à sa conjointe qui s’avère être avocate.

[47]      Rappelons que le défendeur admet dans son témoignage comprendre l’ordre et les explications donnés par l’agent Bernard. Il comprend aussi les conséquences de ne pas y obtempérer.

[48]      Rappelons que l’ordre est formulé dans le cadre d’un barrage routier et que l’échantillon d’haleine peut être fourni et analysé presque immédiatement après l’ordre de le fournir.

[49]      Soulignons que le défendeur, par ses paroles et agissements, refuse de fournir l’échantillon d’haleine exigé par la loi avant qu’il ait discuté avec sa conjointe avocate.

[50]      Cette condition sine qua non à fournir son échantillon d’haleine ne peut constituer une excuse raisonnable au moment où l’ordre lui est donné de le faire.

[51]      D’ailleurs dans R. c. Caswell[5], on indique que la demande d’un défendeur de parler à son avocat avant de se soumettre au test d’A.D.A ne constitue pas une « excuse raisonnable » telle que prévue à l’article 254(2) Code criminel.

[52]      Le juge Kenkel, dans son ouvrage précité, définit comme suit l’excuse raisonnable :

A reasonable justification or excuse refers to some matter that is extraneous to the existence of the essential elements of the offence that justifies or excuses actions that would otherwise constitute the crime. An accused who relies on a “reasonable justification or excuse” admits that he committed the prohibited act with the requisite culpable mental state, but argues that the circumstances in which he did so justify or at least excuse what he did.

[53]      Ce n’est certes pas les prétentions du défendeur et le Tribunal attribue son attitude et ses intentions à une mauvaise perception de ses obligations et responsabilités de conducteur et de citoyen.

[54]      Cette mauvaise perception ne peut constituer une excuse raisonnable pour refuser d’obtempérer à l’ordre d’un agent de la paix de fournir un échantillon d’haleine quand les conditions pour formuler cet ordre sont remplies et qu’au surplus cet échantillon peut être prélevé presque iimmédiatement après la formulation de l’ordre.

[55]      Compte tenu des circonstances de la présente affaire, le Tribunal conclut que le défendeur a refusé de fournir un échantillon d’haleine à la suite de l’ordre du constable (l’agent) Bernier, et ce, sans excuse raisonnable.

[56]      Le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable de ce qui précède par la preuve administrée.

Pour ces motifs, le Tribunal :

Déclare le défendeur coupable.