*Ce billet qui reprend les passages principaux des pages 188 et ss. traitant de l’absolution du livre La peine : Traité de droit criminel Tome 3 écrit par Hugues parent et Julie Desrosiers.
Voir aussi ici.
Aux termes de l’article 730(1) C.cr., le tribunal peut prononcer une absolution si :
1. l’accusé n’est pas une organisation;
2. il est coupable d’une infraction qui n’est pas assortie d’une peine minimale, ni d’une peine de 14 ans ou plus d’emprisonnement[1];
3. l’absolution est dans l’intérêt véritable de l’accusé et elle ne nuit pas à l’intérêt public
3.1 L’intérêt véritable de l’accusé
3.1.1 Cette condition présuppose généralement que l’accusé est une personne de bonne moralité et qui n’a pas d’antécédents judiciaire[2];
3.1.2 qui ne mérite pas une peine dissuasive ou fondée sur la réhabilitation[3];
3.1.3 et pour qui l’enregistrement d’une condamnation aurait des conséquences particulièrement néfastes, i,e l’analyse des conséquences négatives qu’aurait une condamnation (conséquences démesurées versus gravité de l’infraction).[4]
* L’intérêt véritable de l’accusé n’apparaît donc qu’à la suite d’une analyse transversale des impacts professionnel et familial de la décision, de ses effets à l’égard des chances d’immigration ou des possibilités de déplacement transfrontalier, ainsi que toute autre considération jugée pertinente.
3.2 L’intérêt public[5]
* Interprété littéralement, cette exigence ne signifie pas que l’absolution doit être elle-même dans l’intérêt public, mais que rien ne s’oppose à son octroi (Corbeil-Richard c. R., [2009] J.Q. No. 6094, par. 36 (C.A.)).
L’Intérêt véritable de l’accusé
[1] À noter que : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
1. Le législateur réaffirme le principe fondamental de la proportionnalité (voir art. 7 de la Charte et l’art. 718.1 C.cr.). En pratiques d’ailleurs, la mesure d’absolution répond généralement à des infractions d’une gravité, qui résultent « de gestes ponctuels, irréfléchis et de courte durée (absence de préméditation) » (R. c. Douab, [2009] J.Q. No. 9893, par. 68 (QC)).
2. Le point de vue de la victime sera pris en compte, puisque l’art. 722 prévoit que le tribunal doit tenir compte de la déclaration de la victime lorsqu’il envisage l’absolution de l’accusé.
[2] À noter que : UNE PERSONNE DE BONNE MORALITÉ, SANS ANTÉCÉDENTS
3. Malgré sa pertinence, l’absence de condamnation antérieure n’est pas une condition impérative à l’octroi de la mesure judiciaire et un tribunal refusant une absolution pour cette unique raison commet une erreur de droit (R. c. Chevalier, [1990] J.Q. No. 415 (C.A.).
4. De même, le fait d’avoir déjà bénéficié d’une absolution auparavant ne proscrit pas une nouvelle application de la mesure, bien que le tribunal puisse être amené, dans ce cas, à privilégier des objectifs de dissuasion spécifique (R. c. Landry, [2005] J.Q. No. 443 (C.S.)).
[3] À noter que : NE MÉRITE PAS DE PEINE DISSUASIVE OU « RÉHABILITATIVE »
5. L’absolution est en quelque sorte une manière de passer l’éponge, d’excuser un délinquant qui, selon toute vraisemblance, ne recommencera plus. Autrement dit, le processus judiciaire lui-même comporte une dimension suffisamment dissuasive et rend une condamnation superfétatoire.
6. Le profil du candidat à l’absolution est habituellement celui d’une personne bien intégrée dans sa communauté, qui n’a pas besoin de services de réhabilitation particuliers et dont la punition pourrait nuire à l’objectif de réinsertion sociale tel qu’affirmé par le législateur à l’art. 718 d) C.cr.
7. Le degré de culpabilité morale du contrevenant est un élément pertinent au moment d’évaluer son besoin de dissuasion spécifique. Les excuses ou justifications imparfaites au plan juridique peuvent devenir une circonstance atténuante sur sentence et favoriser l’octroi d’une absolution pour des infractions diverses.
8. Des caractéristiques personnelles tel que l’âge de l’accusé, sa fragilité psychologique, son implication dans la communauté, son plaidoyer de culpabilité, son expression de remords sincères et véritables, son mode de vie positif, sa volonté de s’en sortir, de s’affranchir de ses anciennes relations, la présence d’un emploi stable et rémunérateur ainsi que des responsabilités parentales et financières à l’égard de ses enfants constitueront, à l’évidence, des éléments importants au moment de déterminer la pertinence d’une absolution.
[4] À noter que : CONSÉQUENCES VERSUS GRAVITÉ
9. L’accusé n’est pas obligé de démontrer que les conséquences négatives d’une condamnation sur son emploi se matérialiseront ; une possibilité réelle de préjudice suffit (R. c. Moreau, [1992] J.Q. No. 1226 (C.A.)). Il semble toutefois qu’une simple hypothèse ne puisse remplir cette condition, le tribunal sollicitant des éléments de preuve indiquant que les effets négatifs de la condamnation sur les déplacements, les possibilités d’avancement ou de promotion de l’accusé sont susceptibles de se matérialiser (R. c. Douab, [2009] J.Q. No. 9893, par. 181-183 (Q.C.)).
10. Les pratiques douanières ne sont pas de connaissance judiciaire (R. c. Parenteau, [2004] ; l’accusé devra donc démontrer qu’un casier judiciaire entraverait ses possibilités de se rendre aux États-Unis, par exemple.
11. La règle d’or en la matière est qu’un justifiable ne doit pas, dans les faits, subir un châtiment qui n’a aucune mesure avec sa faute, et ce particulièrement dans les cas où le justiciable n’a pas de casier judiciaire, que l’acte criminel n’a pas été prémédité et que l’acte criminel, quoiqu’évidemment répréhensible, n’a pas une gravité relative importante (applicable du principe fondamental de la proportionnalité) (R. c. Abouabdellah, [1990] J.Q. No. 1078, par. 8 (C.A.)).
12. Il ne s’agit pas de savoir si un étranger devrait recevoir un traitement préférentiel à celui d’un citoyen canadien, mais bien de prendre en considération, dans chaque affaire, la manière dont une condamnation est susceptible d’affecter les droits du contrevenant, y compris celui d’émigrer ou d’immigrer (R. c. Abouabdellah, [1990] J.Q. No. 1078, par. 7 (C.A.))
13. La même approche prévaut en matière professionnelle. L’art. 730 vise un principe égalitaire, en empêchant qu’un délinquant particulier ne subisse des conséquences disproportionnées par rapport à tous ceux qui se sont rendus coupables d’un semblable délit (R. c. Rozon, [1999] J.Q. No. 752, par. 36 (C.S.)).
14. Loin d’être limitée aux personnalités publiques, aux riches ou à tous ceux qui jouissent d’un statut social privilégié, l’absolution peut s’avérer justifiée afin préserver les perspectives d’emplois des étudiants, ainsi que la situation professionnelle de travailleurs moins scolarisés, lesquels pourraient souffrir également de la constitution d’un casier judiciaire.
L’intérêt du public
[5] À noter que :
15. L’intérêt public doit prendre en considération l’objectif de dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence sur la communauté, l’attitude du public à son égard et la confiance de ce dernier dans le système judiciaire (R. c. Rozon, [1999] J.Q. No. 752, par. 41 (C.S.)). Les tribunaux accordent donc beaucoup d’importance à la gravité objective et subjective de l’infraction, refusant ainsi d’accorder une absolution à celui qui a commis morale est particulièrement élevée. En termes clairs, les chances d’obtenir une absolution sont inversement proportionnelles à la gravité de l’infraction telle que perçue à travers le prisme des circonstances de l’affaire.
16. Si l’intérêt véritable de l’accusé vise généralement à favoriser sa réinsertion sociale, l’intérêt public s’apprécie davantage à la lumière des objectifs de dissuasion et de dénonciation. De manière pragmatique, plus les objectifs et les principes prévalant en matière d’imposition de la peine exerçant une pression à la hausse sur la sentence à imposer, moins l’incidence de la condamnation sur les droits de l’accusé sera considéré (R. c. Douab, [2009] J.Q. No. 9893, par. 175 (Q.C.)).
17. Les tribunaux, en effet, ont indiqué à maintes reprises que l’arrestation et la comparution d’un accusé pouvaient constituer des mesures de dissuasion suffisamment efficaces, particulièrement à l’égard de citoyens ayant commis une infraction d’une gravité relative, mais contribuant par ailleurs au bien-être collectif (R. c. Rozon, [1999] J.Q. No. 752, par. 41 (C.S.)).
18. Le besoin de dénonciation n’est pas non plus un obstacle absolu à l’octroi d’une absolution (Corbeil-Richard c. R., [2009] J.Q. No. 6094 (C.A.)). Cependant, à noter qu’en matière de violence conjugale, l’absolution est rarement possible (R. c. Laurendeau, [2007] J.Q. No. 12959, par. 18 et 19 (C.A.) : « Face à un crime de violence conjugale, si l’absolution conditionnelle n’est pas exclue en principe, elle ne sera indiquée que dans certains cas dont le présent ne fait pas partie. La peine imposée que dans certains cas dont le présent ne fait pas partie. La peine imposée en matière de violence conjugale répond à deux impératifs. Celui de dénoncer le caractère inacceptable et criminel de la violence conjugale et celui d’accroître la confiance des victimes et du public dans l’administration de la justice ».
19. L’intérêt public s’intéresse également à la confiance de la population dans les institutions démocratiques. Le tribunal doit se demander si le public pourrait perdre confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l’appelant devait être absous (R. c. Rozon, [1999] J.Q. No. 752, par. 69 (C.S.)). Le droit se rabat sur le critère de la personne raisonnable qui est bien informée en droit ainsi que sur les faits et qui a écouté tous les considérants du tribunal ou qui pourra les lire suite à des reportages complets des médias (R. c. Roy, [2009] J.Q. No. 15757, par. 102 et 103 (C.Q.)).
20. Le tribunal est particulièrement sensible au critère de la confiance du public dans l’administration de la justice lorsque l’accusé est un policier (R. c. Hovington, [2007] J.Q. No. 7787 (C.A »