Tshilumba c. R., 2022 QCCA 1591
Le jury peut rejeter l’opinion d’experts, même lorsque leur témoignage est unanime et n’est pas contredit par celui d’autres experts. Il doit y avoir un fondement rationnel dans la preuve pour que le jury puisse raisonnablement rejeter l’opinion des experts.
[54] Dans l’arrêt Molodowic[9] qu’invoque l’appelant, la juge Arbour pose certains jalons quant aux principes applicables au moyen d’appel qu’il soulève :
1) le jury n’est pas lié par les témoignages des psychiatres et leur valeur probante doit être appréciée de la même manière que tout autre témoignage[10];
2) lorsqu’il apprécie une preuve d’expert, le jury a le droit d’examiner les fondements factuels de l’opinion exprimée et d’accorder moins d’importance à cette opinion si elle ne repose pas sur des faits établis au procès ou si elle est fondée sur des hypothèses factuelles auxquelles il ne souscrit pas, ou les deux à la fois[11];
3) le jury peut rejeter l’opinion d’experts, même lorsque leur témoignage est unanime et n’est pas contredit par celui d’autres experts[12];
4) il doit y avoir un fondement rationnel dans la preuve pour que le jury puisse raisonnablement rejeter l’opinion des experts[13].
[55] Dans le récent arrêt Sorella[14], la Cour était confrontée à une question similaire où, tout comme en l’espèce, la poursuite n’avait présenté aucune expertise psychiatrique. La Cour écrit :
[44] En rendant un verdict de culpabilité, le jury a évidemment rejeté la preuve de troubles mentaux présentée par l’appelante. Il a nécessairement conclu que l’appelante n’avait pas démontré sa prétention selon la prépondérance de la preuve, qui était son fardeau.
[45] Pour soutenir l’argument que la décision est déraisonnable, l’appelante insiste fortement sur l’absence de preuve par experts de la poursuite susceptible de contredire le témoignage de ses propres experts.
[46] Or, bien que reposant sur le témoignage d’experts, ce type de preuve demeure régi par une règle bien connue : il revient au juge des faits (en l’espèce, au jury) de déterminer si l’accusé a fait la démonstration que la loi lui impose : R. c. Baker, 2010 CSC 9, et un « jury peut donc rejeter l’opinion d’experts, même lorsque leur témoignage est unanime et n’est pas contredit par celui d’autres experts » : R. c. Molodowic, 2000 CSC 16, paragr. 8.
[47] Il est vrai que pour procéder à cet examen, le juge des faits aura, dans la plupart des cas, à composer avec des témoignages d’experts contradictoires. Il demeure que c’est à lui de décider en fonction de l’ensemble de la preuve, et non seulement sur la base des témoignages d’experts, quoique ceux-ci revêtent une importance évidente.
[56] Après avoir examiné la preuve soutenant les deux hypothèses, la Cour complète son analyse en ces termes :
[60] C’était au jury que revenait la décision de déterminer si c’est la première ou la seconde hypothèse qui s’appliquait. Il s’agit d’une question de crédibilité. C’était donc au jury de trancher et, dans les circonstances, on ne peut conclure que le rejet des prétentions de l’appelante sur la question des troubles mentaux était une décision déraisonnable.
[61] Dans Molodowic, précité, la Cour suprême rappelle que l’expérience judiciaire démontre que la question des troubles mentaux est délicate et peut même susciter un scepticisme injustifié dans l’esprit des jurés, ce qui pourrait parfois entraîner un verdict déraisonnable selon la preuve disponible. Nous ne sommes pas dans la situation décrite dans cet arrêt où la preuve ne permettait pas de contredire l’opinion ferme des experts de la défense. Dans le présent dossier, une telle preuve contradictoire existe et suffit pour rejeter l’argument de la décision déraisonnable.
[57] Ces principes s’appliquent au présent dossier.
Les principes qui encadrent l’utilisation des questions hypothétiques lors de l’interrogatoire ou le contre-interrogatoire d’un expert.
[68] Les auteurs de la sixième édition de l’ouvrage The Law of Evidence in Canada synthétisent les principes qui encadrent l’utilisation des questions hypothétiques lors de l’interrogatoire ou le contre-interrogatoire d’un expert :
12.168 If the expert lacks personal knowledge of the matters in issue and is called to give an opinion upon certain disputed facts, evidence of which has been or will be led at trial, the opinion may be elicited only through the vehicle of a hypothetical question. Where the opinion sought is predicated upon contested facts, counsel are required to use a hypothetical question[.] […]
12.170 The trier of fact and not the experts determines whether a fact has been proven. Without a hypothetical question in which the expert is asked to assume that certain disputed facts given in evidence are true, there is the risk that the premise upon which the opinion is based will be accepted by the jury as conclusive or alternatively, the jury’s view of the evidence may be affected by the expert’s acceptance of a particular version of the facts.
12.171 The expert, in the absence of a hypothesis, would be placed in the untenable position of having to weigh evidence, assess credibility and choose amongst witnesses in order to determine the premise upon which the opinion is expressed. These matters are determined by the trier of fact and are not the responsibility or the proper role of the expert witness. If the expert bases her or his opinion on a global view of various pieces of evidence, it is difficult to determine the actual facts upon which the opinion was based. The trial judge must give careful directions to the jury to unravel the factual basis of an opinion when some of the facts are not proven or are rejected by them. If the trier of fact ultimately rejects the factual premises on which the opinion was based then, of course, the expert’s opinion must be rejected as well[18].
[Le soulignement est ajouté; Les références sont omises]
[69] Ainsi, au besoin, le jury doit recevoir des directives soignées qui lui permettent d’identifier les éléments de preuve pertinents à ses déterminations. L’absence de tout fondement factuel peut requérir que le juge du procès instruise le jury que l’hypothèse soumise n’a aucun poids et doit être complètement ignorée[19].
Une inférence doit tout de même être fondée sur des faits circonstanciels objectifs qui permettent raisonnablement de tirer la conclusion par inférence. Lorsque celle‑ci ne peut raisonnablement être tirée à partir des circonstances, elle équivaut à une conjecture.
[70] Par ailleurs, il importe de rappeler l’importante distinction entre une inférence et une conjecture. C’est l’existence d’un fondement factuel qui permet de tirer une inférence, car, sans une telle assise, l’inférence laisse tout simplement place à la conjecture[20].
[71] Comme l’explique le juge Kasirer dans l’arrêt Sherman, « [u]ne inférence doit tout de même être fondée sur des faits circonstanciels objectifs qui permettent raisonnablement de tirer la conclusion par inférence. Lorsque celle‑ci ne peut raisonnablement être tirée à partir des circonstances, elle équivaut à une conjecture »[21].
[72] Précisons aussi que l’exposé final des parties, particulièrement celui de la poursuite, est encadré par un principe d’équité bien défini par le juge Gonthier dans l’arrêt Rose :
Dans cet exposé, le substitut du procureur général doit faire preuve de rigueur et d’objectivité. Il ne doit faire allusion à aucun fait qui n’a pas été établi et il ne peut présenter comme des faits à prendre en considération en vue de déclarer l’accusé coupable des affirmations pour lesquelles il n’y a pas de preuve ou qui sont fondées sur son observation et son expérience personnelles comme avocat. […]
Lorsqu’il présente son exposé, le substitut du procureur général a le devoir de s’en tenir à la preuve et de limiter ses moyens de persuasion aux faits qui ont été déposés en preuve devant le jury[.]
[…] Comme nous l’expliquons plus en détail ci-dessous, le pouvoir discrétionnaire du juge du procès de régler les cas où l’exposé du ministère public dépasse les bornes est une mesure de protection suffisante contre la possibilité d’un manque d’équité envers l’accusé. [22]
[Les références sont omises]
[73] La poursuite ne peut donc pas formuler des observations qui ne sont pas soutenues par la preuve[23].
[74] Finalement, il y a lieu de distinguer entre les questions posées aux experts en contre-interrogatoire par la poursuite et sa plaidoirie finale. L’arrêt Lyttle reconnaît que les avocats jouissent d’une grande latitude pour utiliser des hypothèses en contre-interrogatoire[24]. Toutefois, si le fondement de celles-ci s’avère trop ténu, une objection est susceptible d’être formulée et retenue[25].
…
[79] En effet, la réponse d’un expert qui refuse sans plus de rejeter l’existence d’une possibilité n’est d’aucune utilité. Le refus d’un expert de rejeter en théorie une hypothèse ne confère à celle-ci aucun fondement factuel s’il n’y a pas d’éléments factuels indépendants qui l’étayent. Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme en l’espèce, l’hypothèse suggérée est rejetée par les experts. L’évocation d’une possibilité théorique sans preuve qui la soutienne entraîne inévitablement le jury sur le chemin de la conjecture[27].
L’accusé qui invoque la défense de troubles mentaux, selon le deuxième volet de celle-ci, doit établir par prépondérance de probabilités que ses troubles mentaux le privaient de la capacité de savoir que l’acte posé était mauvais, mais pas qu’ils étaient d’une intensité telle qu’il était incapable de le savoir.
[84] L’accusé qui invoque la défense de troubles mentaux, selon le deuxième volet de celle-ci, doit établir par prépondérance de probabilités que ses troubles mentaux le privaient de la capacité de savoir que l’acte posé était mauvais, mais pas qu’ils étaient d’une intensité telle qu’il était incapable de le savoir. Puisque l’expression « intensité telle » risque d’être interprétée comme ajoutant un fardeau de persuasion additionnel, il est préférable de l’éviter en s’en remettant à la directive suggérée par le Conseil canadien de la magistrature qui ne l’utilise pas. Toutefois, l’appelant ne convainc pas la Cour que son emploi a été ici problématique.
Les dangers posés par le risque de conjectures prescrivaient qu’une mise en garde ferme soit formulée au jury et que les notions d’inférence et de conjecture soient bien définies.
[93] Néanmoins, les dangers posés par le risque de conjectures prescrivaient qu’une mise en garde ferme soit formulée au jury et que les notions d’inférence et de conjecture soient bien définies[37]. En l’absence d’une telle mise en garde, l’appelant soutient avec raison que plusieurs éléments risquaient d’entraîner le jury sur la voie inappropriée de la conjecture.
[94] Plusieurs éléments de la preuve, notamment le comportement de l’appelant après l’homicide, permettaient à la poursuite de suggérer au jury que l’appelant savait que les gestes posés étaient mauvais et que ses troubles mentaux ne l’avaient pas privé de sa capacité de le savoir. Il appartenait au jury d’évaluer cette preuve et les inférences divergentes qu’il pouvait en tirer à la lumière de directives appropriées[38].
[95] Toutefois, en raison du risque inévitable de conjectures associé au mythe selon lequel la défense de troubles mentaux est « perçue comme facile à fabriquer et difficile à réfuter »[39], il était imprudent et inapproprié pour la poursuite, en l’absence d’un fondement factuel suffisant, de faire allusion à la simulation, et ce, même après avoir précisé qu’il ne s’agissait pas de l’interprétation qu’elle proposait.
[96] Cette conclusion est un motif supplémentaire d’ordonner la tenue d’un nouveau procès, lequel s’ajoute au moyen principal de l’appelant concernant les directives à l’égard de son comportement après l’homicide, comme nous le verrons.
Le fait qu’il puisse exister une gamme de conclusions potentielles ne rend pas nul le comportement après le fait.
L’arrêt Calnen établit qu’il n’existe aucune règle absolue qui exclut l’utilisation du comportement de l’accusé après le fait pour déterminer l’intention de l’accusé ou faire une distinction entre les divers degrés de culpabilité
[124] La Cour est d’avis que la juge et les parties étaient dans l’erreur.Comme déjà souligné, la directive donnée par la juge dans le cadre des éléments essentiels du meurtre au deuxième degré et qui exigeait que le jury considère l’explication de l’appelant de son comportement après l’homicide, soit sa crainte ancrée dans ses troubles mentaux que sa vie était en danger, était impeccable et irréprochable.
[125] Malheureusement, la directive corrigée, selon laquelle le comportement de l’appelant après l’homicide n’avait aucune valeur probante à l’égard de l’intention requise pour le meurtre ou le caractère prémédité et de propos délibéré de celui-ci, empêchait le jury de considérer l’ensemble de la preuve sur laquelle pouvait se fonder l’autre explication possible du comportement de l’appelant, soit sa perception nourrie par ses troubles mentaux que sa vie était toujours en danger, comme il l’a d’ailleurs expliqué dans un texto à son meilleur ami alors qu’il s’était réfugié au Tim Horton’s : « Je noy ma vie » qui voulait dire qu’il craignait pour sa vie.
[126] Ces corrections sont fatales et exigent la tenue d’un nouveau procès.
[127] À la décharge de la juge du procès, il vaut de souligner que la jurisprudence et la doctrine reconnaissent que les directives concernant le comportement après le fait présentent plusieurs difficultés[46]. Au surplus, elle n’a pu bénéficier des enseignements de l’arrêt Calnen dans lequel la juge Martin précise que la preuve relative au comportement après le fait de l’accusé peut être pertinente pour trancher la question de l’intention et peut servir à étayer une distinction entre divers degrés de culpabilité[47].
…
[133] Puisque le jury devait considérer toute autre explication possible du comportement de l’appelant après l’homicide et ceci, à toutes les étapes de ses délibérations (défense de troubles mentaux, meurtre au deuxième degré et meurtre au premier degré), cette évaluation ne pouvait pas se faire de manière compartimentée en isolant certains éléments de preuve comme, par exemple, les vêtements de rechange. Une approche globale de l’appréciation d’une telle preuve aurait pu aider le jury à déterminer si la culpabilité de l’accusé soulevait ou non un doute raisonnable[52].
[134] Par ailleurs, l’accord des avocats de l’appelant avec la correction apportée par la juge n’est pas déterminant[53], car il appartenait à la juge du procès de donner des directives conformes au droit[54]. Soucieux de contrer le risque associé à la preuve du comportement de l’appelant après l’homicide, ces derniers ont demandé une directive selon laquelle cette preuve n’avait aucune valeur probante sans toutefois pleinement réaliser qu’en raison de cette directive, plusieurs éléments de cette preuve pouvant confirmer l’existence de troubles mentaux chez lui et fonder un doute raisonnable ne pourraient plus être considérés par le jury.
[135] De toute façon, la juge avait le devoir d’instruire le jury que l’analyse de l’ensemble de la preuve, y compris celle des troubles mentaux de l’appelant et la conduite postérieure de celui-ci après l’homicide, pouvait soulever un doute raisonnable sur sa culpabilité de l’infraction de meurtre au premier degré ou celle incluse de meurtre au deuxième degré[55]. La juge avait d’ailleurs mentionné aux avocats qu’elle instruirait le jury en ce sens avant les plaidoiries.
[136] Par la suite, la juge et les parties ont abordé les directives qu’il fallait donner au jury en tenant pour acquis que le comportement de l’appelant après le fait ne permettait pas de distinguer entre la culpabilité pour meurtre au deuxième ou au premier degré. Ce consensus ne peut s’expliquer que par une mauvaise application de l’arrêt Arcangioli[56]aux circonstances et à la preuve présentée dans la présente affaire.
Exposé au jury n’a pas à être parfait, mais le juge doit clarifier et simplifier celui-ci autant que faire se peut. Les directives au jury doivent donc être aussi complètes que nécessaire, mais également aussi succinctes que possible.
[147] Certes, l’exposé au jury n’a pas à être parfait, mais le juge doit clarifier et simplifier celui-ci autant que faire se peut. Comme l’expliquent les juges Bich et Hamilton dans l’arrêt Primeau, « [i]l y a donc dans la tâche qui incombe au juge un exercice d’éducation, éminemment pédagogique, qui requiert structure, clarté, cohérence et objectivité, mais aussi une certaine capacité de vulgariser sans trahir les exigences du droit »[61]. Bref, les directives ne doivent pas être parfaites, mais appropriées aux circonstances du dossier[62].
[148] Les directives au jury doivent donc être aussi complètes que nécessaire, mais également aussi succinctes que possible. Dans la poursuite de cet objectif, « [l]e juge du procès doit atteindre un équilibre délicat en rédigeant un exposé au jury qui est à la fois complet et compréhensible »[63]. Comme le juge Binnie le souligne dans l’arrêt Royz : « [l]a concision d’un exposé permet au jury de s’acquitter de sa tâche, à condition que le lien entre les éléments essentiels de la preuve et les questions à trancher soit bien expliqué aux jurés »[64]. Cela dit, il est tout aussi contraire à la volonté de simplifier l’exposé au jury « de donner des directives trop longues que de faire un exposé trop court »[65].
Il est reconnu que les modèles de directives au jury « doivent être adaptés pour tenir compte des particularités de chaque affaire ». Par conséquent, « [s]i les modèles de directives sont inapplicables aux faits ou au droit en cause, ils doivent être adaptés ».
[152] Il est reconnu que les modèles de directives au jury « doivent être adaptés pour tenir compte des particularités de chaque affaire »[66]. Par conséquent, « [s]i les modèles de directives sont inapplicables aux faits ou au droit en cause, ils doivent être adaptés »[67]. Si l’un des volets de la défense de troubles mentaux est inapplicable, il doit être retiré des directives qui sont données au jury[68]. Le « recours excessif à la reproduction mécanique d’extraits de directives modèles au jury »[69]comporte le danger d’employer des directives superflues pour l’affaire en cause[70].
La remise au jury d’une copie écrite des directives est « une pratique louable à encourager qui a de nombreux avantages, ne serait-ce que pour permettre aux jurés de s’y référer sans entrave pendant leurs délibérations et éviter ainsi une incompréhension du droit, particulièrement à la suite d’un long procès truffé de délicates questions de droit ».
[153] Au surplus, le fait que les directives ont été données oralement par la juge était de nature à rendre encore plus difficile la tâche du jury. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, la remise de directives écrites aurait certainement facilité la tâche du jury.
[154] Dans l’arrêt récent Sorella, la Cour note que la remise au jury d’une copie écrite des directives est « une pratique louable à encourager qui a de nombreux avantages, ne serait-ce que pour permettre aux jurés de s’y référer sans entrave pendant leurs délibérations et éviter ainsi une incompréhension du droit, particulièrement à la suite d’un long procès truffé de délicates questions de droit »[71]. C’était certainement le cas en l’espèce.
[155] Par ailleurs, un avantage manifeste découle de la tenue de conférences prédirectives et de la préparation d’un projet écrit de directives : celui-ci pourra être révisé par le juge à la lumière des observations des parties avant que l’exposé au jury n’ait lieu.[72] La préparation d’un projet écrit de directives assure le respect du droit des parties d’être entendues sur la teneur de l’exposé qui sera communiqué au jury. Ce processus minimise le risque d’erreurs.
[156] Cela dit, précisons que l’absence de directives écrites ne justifie pas, en soi, un nouveau procès. Cela est préférable, car les avantages surpassent indéniablement les inconvénients[73]. Toutefois, il est vrai que ce qui prime, c’est le contenu des directives, soit « le message général que les termes utilisés ont transmis au jury »[74], pas le moyen utilisé pour communiquer celles-ci.
[157] L’accroissement du recours aux directives écrites s’accompagne en parallèle avec la volonté explicitement exprimée par la Cour suprême depuis plus de 25 ans de simplifier l’exposé au jury. Dans l’arrêt Hebert, le juge Cory observe que l’exposé au jury peut « prêt[er] inutilement à confusion à un point tel qu’il constitu[e] une erreur de droit »[75]. Dans l’arrêt Jacquard, le juge en chef Lamer écrit : « [j]e ne saurais trop insister sur le fait que le rôle du juge du procès, dans son exposé au jury, est de clarifier et de simplifier »[76]. Ces appels à la concision organisée et structurée de l’exposé au jury se voient réitérés dans l’arrêt Rodgerson[77].
[158] Un autre élément a contribué à la lourdeur et la longueur de l’exposé. Les directives de la juge comportent un long récapitulatif de la preuve, parfois sur des questions non contestées, ce qui ajoutait une couche additionnelle de difficulté, inutile à bien des égards. Rappelons que la Cour suprême réprouve les résumés de preuve trop longs et encourage la brièveté[78]. Un résumé du témoignage de chaque témoin est presque toujours inefficace et inutile[79]. La preuve présentée au procès doit être organisée pour le jury en fonction de sa pertinence quant aux questions qui doivent être tranchées. Sinon, le jury risque de ne pas en apprécier l’importance[80].