L’expérience du policier est un critère important en cas d’arrestation d’un citoyen ordinaire.
[29] Les motifs raisonnables découlent d’un ensemble de circonstances. Il faut se garder de les disséquer et de les analyser séparément[11]. Il peut arriver que chaque élément soit compatible avec une conduite innocente alors que l’ensemble de ceux-ci pointe dans une autre direction[12]. Le tribunal doit tenir compte de l’expérience du policier lorsqu’il détermine si ce dernier possède objectivement des motifs suffisants de procéder à l’arrestation[13]. Dans R. c. MacKenzie, une affaire qui concernait l’existence de « soupçons raisonnables » permettant d’effectuer une fouille à l’aide d’un chien renifleur, la Cour suprême a reconnu la valeur de l’expérience policière. Cette conclusion s’applique aussi en matière de « motifs raisonnables » en faisant les adaptations nécessaires :
[60] En l’absence d’un rejet par le juge ou d’une conclusion de fait défavorable, le témoignage de l’agent Sperlie sur les facteurs tirés de sa formation et de son expérience demeure au dossier. Il faut le prendre en compte. La Cour d’appel a conclu que le juge avait commis une erreur de droit en négligeant la formation et l’expérience de l’agent Sperlie lorsqu’il a évalué les facteurs ayant amené ce dernier à croire à la possibilité d’une infraction à la LRCDAS. Je suis d’accord.
[61] En l’espèce, le juge a conclu — sans fournir d’explication et notamment sans procéder à une analyse de la formation et de l’expérience du policier — que l’« opinion » de l’agent Sperlie selon laquelle il se pouvait que l’appelant participe à une infraction liée à drogue reposait « au mieux [sur] son intuition » (par. 47). En affirmant que les actes de l’agent Sperlie ne reposaient sur rien d’autre que son intuition, le juge formulait en fait sa conclusion de droit quant à l’absence de soupçons raisonnables. À mon avis, cette conclusion était erronée, car il semble qu’elle n’accordait guère de poids à la formation et à l’expérience du policier.
[62] La formation et l’expérience d’un agent de police peuvent jouer un rôle important lorsqu’il s’agit de déterminer si la norme des soupçons raisonnables a été respectée. Les agents de police sont formés pour détecter les activités criminelles. C’est leur travail. Ils le font quotidiennement. C’est pourquoi [traduction] « un fait ou un aspect insignifiant aux yeux du profane peut parfois se révéler très important à ceux d’un agent de police » (Yeh, par. 53). Ce qu’ils perçoivent par la vue ou l’ouïe, les mouvements, le langage corporel et les types de comportement, notamment, font partie du bagage des agents de police que les tribunaux devraient prendre en considération pour déterminer si leurs témoignages, dans une affaire donnée, permettent d’établir que le seuil des soupçons raisonnables avait été atteint.
[63] Par conséquent, pour déterminer si l’existence de soupçons raisonnables a été prouvée, il faut procéder à l’analyse du caractère objectivement raisonnable du point de vue d’une personne raisonnable [traduction] « mise à la place de l’agent de police » (R. c. Tran, 2007 BCCA 491 (CanLII), 247 B.C.A.C. 109, par. 12; voir également R. c. Whyte, 2011 ONCA 24(CanLII), 272 O.A.C. 317, par. 31).[14]