R. c. Charles, 2024 CSC 29

La preuve par ouï-dire est présumée inadmissible. Son inadmissibilité présumée s’explique par le fait qu’il est souvent difficile d’évaluer la véracité d’une déclaration faite à l’extérieur du tribunal.

[43] La preuve par ouï-dire est présumée inadmissible (voir, p. ex.,Bradshaw, par. 1 et 21). Son inadmissibilité présumée s’explique par le fait qu’il est souvent difficile d’évaluer la véracité d’une déclaration faite à l’extérieur du tribunal. Dans Bradshaw, la juge Karakatsanis a expliqué que, de manière générale, « le ouï-dire n’est pas fait sous serment, le juge des faits ne peut observer le comportement du déclarant au moment où il fait sa déclaration, et le déclarant n’est pas soumis à l’épreuve du contre-interrogatoire » (par. 20). Or, « [l]e processus de recherche de la vérité d’un procès repose sur la présentation de la preuve en cour » (Bradshaw, par. 19) et « notre système accusatoire repose sur l’hypothèse voulant que le contre-interrogatoire représente le meilleur moyen de révéler les causes d’inexactitude ou de manque de fiabilité » (Khelawon, par. 48). Le ouï-dire est présumé inadmissible « principalement en raison de l’incapacité de le vérifier de cette façon » (Khelawon, par. 48; voir aussi Bradshaw, par. 1).

[44] Par conséquent, l’admission du ouï-dire est susceptible de « compromettre l’équité du procès et le processus de recherche de la vérité »(Bradshaw, par. 20). Il est possible que la déclaration soit « rapportée de manière inexacte, et le juge des faits ne peut pas facilement mettre à l’épreuve la perception, la mémoire, la relation du fait ou la sincérité du déclarant » (Bradshaw, par. 20, se référant à Khelawon, par. 2). Il existe alors un risque que cette preuve « se voie accorder plus de poids qu’elle n’en mérite » (Bradshaw, par. 21, citant Khelawon, par. 35).

[45] Cela dit, dans certains cas, la preuve par ouï-dire « présente des dangers minimes et son exclusion au lieu de son admission gênerait la constatation exacte des faits » (Khelawon, par. 2 (en italique dans l’original), cité dans Bradshaw, par. 22). Ainsi, au fil du temps, la jurisprudence a développé des catégories d’exceptions à la règle d’exclusion et, finalement, une approche plus souple. En vertu de l’exception raisonnée, « le ouï-dire peut exceptionnellement être admis en preuve lorsque la partie qui le produit démontre que le double critère de la nécessité et du seuil de fiabilité est respecté selon la prépondérance des probabilités » (Bradshaw, par. 23, se référant à Khelawon, par. 47). Pour démontrer que le seuil de fiabilité d’une déclaration est atteint, une partie peut établir sa fiabilité d’ordre procédural ou sa fiabilité substantielle.

En contexte criminel, « l’appréciation du seuil de fiabilité comporte une dimension constitutionnelle, parce que la difficulté de vérifier la preuve par ouï-dire peut compromettre le droit de l’accusé à un procès équitable ».

[48] En contexte criminel, « l’appréciation du seuil de fiabilité comporte une dimension constitutionnelle, parce que la difficulté de vérifier la preuve par ouï-dire peut compromettre le droit de l’accusé à un procès équitable » (Bradshaw, par. 24). En s’assurant que seul le ouï-dire qui est nécessaire et fiable soit admis, « le juge du procès agit à titre de gardien de la preuve. Il protège l’équité du procès et l’intégrité du processus de recherche de la vérité » (par. 24).

Une preuve qui n’est pas liée aux aspects importants de la déclaration n’a donc pas la capacité, même en conjonction avec les circonstances de l’affaire, d’écarter les autres explications plausibles de ces aspects.

[53] Je rejette les prétentions de la Couronne sur ce point, puisqu’elles se heurtent à la logique qui sous-tend le cadre d’analyse établi dans Bradshaw.À mon avis, une preuve ne peut pas servir à corroborer les aspects d’une déclaration auxquels elle n’est pas liée, même lorsque cette preuve confirme un autre aspect important de la déclaration en question.