Lamoureux c. R., 2022 QCCA 1531
S’il est vrai que la Cour a proposé une méthode, dans le sens d’une démarche ordonnée, il n’existe pas de méthode rigide pour parvenir à une peine. Il existe des balises établies par la loi et un principe qui veut que les motifs de la peine soient intelligibles pour le délinquant, le public et les tribunaux d’appel.
[8] S’il est vrai que la Cour a proposé une méthode, dans le sens d’une démarche ordonnée, il n’existe pas de méthode rigide pour parvenir à une peine. Il existe des balises établies par la loi et un principe qui veut que les motifs de la peine soient intelligibles pour le délinquant, le public et les tribunaux d’appel. La détermination de la peine doit demeurer un exercice souple, individualisé, à l’intérieur du cadre législatif.
[9] Ces balises sont particulièrement utiles pour justifier des peines imposées dans un contexte où il y a de multiples infractions à l’égard de multiples victimes. En règle générale, et ce n’est pas non plus un principe rigide, ces cas interpellent des peines consécutives : R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 155. Voir aussi R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334, par. 59; R. c. C.K., 2022 QCCA 539, par. 27; R. c. Gagnon, 2022 QCCA 552, par. 10; R. c. Claveau, 2022 QCCA 90, par. 36; R. c. Azevedo, 2021 QCCA 1688, par. 18; R. c. Dubé, 2021 QCCA 1143, par. 31.
[10] Le requérant affirme que deux « méthodes » ont été expliquées dans R. c. Guerrero Silva, 2015 QCCA 1334 et R. c. Desjardins, 2015 QCCA 1774. Il prétend ensuite que l’une est plus juste que l’autre. Cela est inexact, les deux arrêts proposent une démarche identique, qui n’a rien de formaliste.
[11] L’arrêt Guerrero Silva préconise de déterminer des peines individuelles pour chacune des infractions, de décider si elles doivent être purgées concurremment ou consécutivement, puis de les rajuster pour tenir compte des principes de la totalité de la peine (art. 718.2c) C.cr.) et de la proportionnalité de la peine (art. 718.1 C.cr.). On y précise cependant que l’inverse est aussi possible, c’est-à-dire d’établir une peine « globale » ou, en d’autres mots, ce que « mérite » le délinquant pour toutes les infractions, pour ensuite la répartir entre celles-ci:
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[13] Ainsi, si elle suggère dans les deux arrêts de procéder méthodiquement, la Cour propose la même « approche » souple: voir notamment R. c. Rayo, 2018 QCCA 824, par. 52-53; R. c. Steele Morin, 2019 QCCA 539, par. 5-7; R. c. Daquin, 2017 QCCA 1538, par. 20; R. c. Hudon, 2022 QCCA 484, par. 20.
[14] S’il faut le rappeler, l’exercice proposé est particulièrement important en présence de déclarations de culpabilité à plusieurs infractions dont certaines sont contestées. L’examen peut alors se transporter devant une cour d’appel et avoir un impact sur la peine. Entre autres, une cour d’appel doit être en mesure d’identifier la portion de la peine qui, le cas échéant, est touchée par son intervention.
La Cour n’a jamais suggéré que l’attribution d’une peine « globale » ou qu’une approche qui ne respecte pas la démarche expliquée dans l’arrêt Guerrero Silva, et reprise dans Desjardins,mène à une erreur de principe qui permet l’intervention d’une cour d’appel.
[18] Un juge qui omet de le faire ne commet pas, en soi, une erreur fatale qui justifie l’intervention d’une cour d’appel. La Cour n’a jamais suggéré que l’attribution d’une peine « globale » ou qu’une approche qui ne respecte pas la démarche expliquée dans l’arrêt Guerrero Silva, et reprise dans Desjardins,mène à une erreur de principe qui permet l’intervention d’une cour d’appel. D’ailleurs, dans Desjardins, la Cour refuse d’intervenir malgré la méthodologie déficiente du juge qui avait imposé une peine globale: R. c. Desjardins, 2015 QCCA 1774, par. 50; voir aussi R. c. Hudon, 2022 QCCA 484, par. 20.
[19] En revanche, comme l’explique la Cour dans l’arrêt R. c. N.L., une peine exprimée de manière « globale », sans une analyse raisonnée et transparente, prête flan à l’intervention en appel si la peine paraît manifestement non indiquée : R. c. N.L., 2021 QCCA 771, par. 32. En effet, dès lors, elle peut paraître arbitraire et dénuée d’un minimum de logique compte tenu des infractions en cause : voir à titre d’exemple R. c. Moreau, 2017 QCCA 1881, par. 20-21. L’approche globale peut également créer d’autres difficultés, notamment pour l’application du paragraphe 743.6(1) C.cr. : R. c. Desjardins, 2015 QCCA 1774, par. 62-68.
Il ne fait aucun doute que toutes les formes d’agressions sexuelles sont graves, que « [l]a violence sexuelle à l’égard des enfants demeure toutefois intrinsèquement répréhensible, quel que soit le degré d’atteinte à l’intégrité physique », et qu’il n’existe pas « de hiérarchie des actes physiques ». Tout en acceptant ces affirmations, il demeure que des circonstances peuvent se révéler plus graves que d’autres.
[30] Il ne fait aucun doute que toutes les formes d’agressions sexuelles sont graves, que « [l]a violence sexuelle à l’égard des enfants demeure toutefois intrinsèquement répréhensible, quel que soit le degré d’atteinte à l’intégrité physique », et qu’il n’existe pas « de hiérarchie des actes physiques » : R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 145-146.
[31] Tout en acceptant ces affirmations, il demeure que des circonstances peuvent se révéler plus graves que d’autres. Une infraction générique définit des comportements qui se produisent dans des circonstances diverses, leur attribuant des caractéristiques qui les rendent plus ou moins graves. L’exercice de la détermination de la peine exige du juge qu’il fasse des distinctions devant des tragédies humaines, un exercice de comparaison difficile et bien imparfait, mais nécessaire.