Le 4 novembre dernier, la Cour suprême a rendu une décision (R. c. Sarrazin, 2011 CSC 54) dans laquelle elle a refusé d’assouplir les règles relatives au sous-al. 686(1)b)(iii) du C.cr. (la disposition réparatrice).
Question en litige
La question soulevée dans cette affaire consistait à décider si la Cour devait assouplir les conditions d’application de la disposition réparatrice.
La disposition réparatrice et son fondement
On retrouve au sous-alinéa 686(1)b)(iii) du C.cr. la disposition réparatrice :
686. (1) Lors de l’audition d’un appel d’une déclaration de culpabilité ou d’un verdict d’inaptitude à subir son procès ou de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, la cour d’appel :
a) peut admettre l’appel, si elle est d’avis, selon le cas :
…
(ii) que le jugement du tribunal de première instance devrait être écarté pour le motif qu’il constitue une décision erronée sur une question de droit,
…
b) peut rejeter l’appel, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
(iii) bien qu’elle estime que, pour un motif mentionné au sous-alinéa a)(ii), l’appel pourrait être décidé en faveur de l’appelant, elle est d’avis qu’aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave ne s’est produit, […]
Le pouvoir que la loi confère à une cour d’appel de confirmer les déclarations de culpabilité d’un accusé en dépit d’« une décision erronée sur une question de droit » au procès démontre que le législateur reconnaît l’intérêt, pour le public, d’éviter les frais et les délais qu’entraîne un nouveau procès à l’issue duquel un jury ayant reçu des directives appropriées rendrait inévitablement le même verdict.
Le dilemme soulevé par le juge Moldaver
Le juge Moldaver, alors à la Cour d’appel de l’Ontario (maintenant juge à la Cour suprême du Canada) avait proposé, dans une note qui s’adressait au plus haut tribunal du pays, un assouplissement des règles actuelles régissant les conditions d’application de la disposition réparatrice. Il affirmait qu’une approche plus globale devait caractériser l’examen entrepris en vertu du sous-al. 686(1)b)(iii) du C.cr., et ce, compte tenu du fait qu’il y a trop de nouveaux procès.
Dans des arrêts plus récents, la Cour a précisé l’interprétation de la disposition réparatrice en limitant généralement son application aux cas où la preuve contre un accusé est accablante ou aux cas où il est possible d’affirmer avec certitude que l’erreur de droit était inoffensive puisqu’elle n’aurait pu avoir aucune incidence sur le verdict[1]. Or, le juge Moldaver était d’avis selon lequel il fallait alléger le fardeau du ministère public afin qu’il ne soit plus tenu de présenter contre l’accusé une preuve « accablante », mais seulement une « très forte » preuve, et permettre que les cours d’appel puissent tolérer des erreurs de droit qui, bien qu’elles ne soient pas « sans importance », risquent « fort peu d’influer sur le résultat ».
La décision
La Cour suprême a refusé – unanimement sur cette question particulière – l’approche du juge Moldaver. La Cour a plutôt opiné ce qui suit :
[L]’expérience démontre que, dans le cas d’une preuve accablante ou d’une erreur inoffensive, les tribunaux peuvent affirmer sans crainte qu’il n’existe « aucune possibilité réaliste qu’un nouveau qu’un nouveau procès aboutisse à un verdict différent ». Autrement, le droit devrait suivre son cours et aboutir à la tenue d’un nouveau procès[2].
Bref, il ne convient pas d’alléger le fardeau qu’a le ministère public de démontrer que la preuve est « accablante » ou qu’une erreur de droit est « inoffensive ».
Autres points importants
La Cour suprême s’est prononcée à son tour, et affirme unanimement que la tentative de meurtre est une infraction comprise dans le meurtre[3].
Par conséquent, dans le cas où l’existence d’un lien de causalité ne serait pas établie, le juge des faits pourrait convenir de rendre un verdict de culpabilité de tentative de meurtre, tel que souligné dans l’arrêt Nette.
Conclure en sens contraire constitue une erreur de droit[4].
Dans cet ordre d’idée, et suivant les circonstances propres à l’affaire Sarrazin, les juges majoritaires (6-3) ont considéré qu’étant donné que le juge du procès a refusé d’exposer au jury la possibilité d’un verdict de tentative de meurtre, il devait y avoir un nouveau procès.
Je ne crois pas que l’erreur commise par le juge de première instance en refusant d’exposer à l’appréciation du jury la possibilité d’un verdict valable en droit qui correspondait à la thèse de la défense et que le jury pouvait prononcer compte tenu de la preuve puisse être considérée comme une erreur « inoffensive » car, suivant l’arrêt Jackson, « [n]ous ne pouvons être certains que, si cela avait été fait et malgré l’existence des directives justes en matière de meurtre, le verdict n’aurait pas pu être différent » […]. Compte tenu des circonstances de l’espèce, la cour d’appel ne pouvait pas appliquer la disposition réparatrice pour corriger cette erreur[5].