La Cour a bien précisé que de telles nouvelles questions ne devraient être entendues qu’en présence de « circonstances exceptionnelles ».
[23] La Cour a bien précisé que de telles nouvelles questions ne devraient être entendues qu’en présence de « circonstances exceptionnelles » (R. c. J.F., 2022 CSC 17, par. 40, citant Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3). Néanmoins, nous concluons que la question de savoir si la conduite policière en l’espèce a violé les art. 8 ou 9 de la Charte devrait être examinée par la Cour. La question de droit ayant donné lieu à une opinion divergente en Cour d’appel fait en sorte que la Cour doit se pencher sur le raisonnement de la juge dissidente.
…
[25] Les arguments de l’appelant reposent sur des faits non contestés liés à son arrestation; ils peuvent donc à juste titre être pris en compte en appel. Étant donné qu’aucune autre preuve n’a été présentée à l’égard de ces événements, toutefois, la Cour ne tiendra compte que du simple fait que cette conduite policière en question a eu lieu. Autrement dit, bien qu’il convienne que la Cour tienne compte du fait de l’arrestation de l’appelant après la fouille effectuée à l’aide d’un chien renifleur, il n’y a eu aucune observation ni preuve visant à établir que certaines circonstances de l’arrestation étaient inappropriées. De cette façon, aucun préjudice n’est causé à la Couronne. Étant donné l’absence de préjudice et l’importance que la question soit résolue par la Cour, et à la lumière des motifs dissidents de la Cour d’appel, nous sommes d’avis d’examiner cette nouvelle question en vertu de notre pouvoir discrétionnaire (voir Guindon, par. 20; voir aussi J.F., par. 40‑41).
La police ne peut pas s’appuyer sur des éléments de preuve obtenus illégalement afin d’effectuer une arrestation sans mandat. Lorsque les motifs d’arrestation sont fondés sur des éléments de preuve qui sont ultérieurement jugés avoir été obtenus illégalement, le tribunal doit retrancher ces éléments de preuve du fondement factuel afin de déterminer si la police avait des motifs raisonnables et probables de procéder à l’arrestation.
[26] Le présent pourvoi soulève la question de savoir si la police a violé les droits que la Charte garantit à l’appelant en l’arrêtant sur le fondement des résultats d’une fouille illégale. Les juridictions inférieures partout au pays ont tiré des conclusions divergentes sur la question de savoir si de telles arrestations sont légales. Comme nous l’expliquerons, suivant une approche fondée sur des principes à l’égard de la Charte, la police ne peut pas s’appuyer sur des éléments de preuve obtenus illégalement afin d’effectuer une arrestation sans mandat. Lorsque les motifs d’arrestation sont fondés sur des éléments de preuve qui sont ultérieurement jugés avoir été obtenus illégalement, le tribunal doit retrancher ces éléments de preuve du fondement factuel afin de déterminer si la police avait des motifs raisonnables et probables de procéder à l’arrestation.
[29] Lorsqu’elle s’est demandé si le policier avait des motifs raisonnables et probables d’arrêter l’appelant en l’espèce, la juge d’appel Khullar a conclu que [traduction] « des motifs raisonnables et probables ne peuvent découler des résultats d’une fouille illégale effectuée à l’aide d’un chien renifleur » (par. 54). Nous sommes aussi de cet avis.
[30] La conclusion selon laquelle les motifs raisonnables justifiantune arrestation légale ne peuvent découler d’actes qui comportent des violations de la Charte est conforme aux considérations de principe et de politique générale. De fait, cette conclusion est un prolongement logique des principes applicables dans d’autres contextes où une violation initiale de la Charte est à l’origine d’actes subséquents de l’État. Une fouille illégale, par exemple, ne peut fournir les motifs nécessaires pour l’obtention d’un mandat de perquisition (R. c. Feeney, 1997 CanLII 342 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 59). De même, l’arrestation légale est une condition préalable à toute fouille qui y est effectuée accessoirement (R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, par. 27; R. c. Caslake, 1998 CanLII 838 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 51, par. 13‑14; R. c. Tim, 2022 CSC 12, par. 49‑50).
[31] La Cour, dans l’arrêt R. c. Grant, 1993 CanLII 68 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 223, a expliqué le raisonnement qui sous‑tend cette règle dans le contexte de l’obtention d’un mandat de perquisition : en écartant la justification sur laquelle repose la conduite de l’État qui est elle‑même inconstitutionnelle, « [l’État] ne peut profiter des actes illégaux des policiers »(p. 251). Dans la même veine, une fouille accessoire à une arrestation est invalide si l’arrestation n’était pas légale étant donné que « la légalité de la fouille dépend de la légalité de l’arrestation, [et] s’il s’avère ultérieurement que l’arrestation était invalide, la fouille le sera aussi » (Caslake, par. 13).
Le respect de la Charte et la protection rigoureuse des libertés civiles exigent que l’État ne soit pas autorisé à minimiser l’incidence d’actes inconstitutionnels antérieurs qui déclenchent une série en cascade de mesures d’enquête bien intentionnées.
[33] Premièrement, le respect de la Charte et la protection rigoureuse des libertés civiles exigent que l’État ne soit pas autorisé à minimiser l’incidence d’actes inconstitutionnels antérieurs qui déclenchent une série en cascade de mesures d’enquête bien intentionnées. Permettre aux policiers de s’appuyer sur leur inconduite d’une telle façon ne donnerait pas véritablement effet aux droits protégés par la Charte.
[34] En outre, permettre à l’État de s’appuyer sur des violations de la Charte « de façon détournée » pourrait inciter les policiers à être moins soucieux du respect de la loi. Par exemple, comme l’a énoncé la Cour dans l’arrêt Tim, par. 30 :
Permettre aux policiers de procéder à des arrestations sur la base de ce qu’ils croient être la loi — plutôt que sur la base de ce qu’est réellement la loi — élargirait de façon radicale les pouvoirs des policiers au détriment des libertés civiles. Cela ferait en sorte que les gens seraient à la merci de la compréhension de la loi qu’auraient des policiers donnés, et que les policiers seraient moins enclins à vouloir connaître la loi. La population canadienne s’attend à juste titre à ce que les policiers respectent la loi . . .
Même si le fait que la police a commis une erreur involontairement ou de bonne foi sera pris en compte à l’étape de l’analyse fondée sur le par. 24(2), cela n’a aucune incidence sur la question de savoir s’il y a eu une autre violation de la Charte en conséquence de l’inconduite initiale.
Pour faire en sorte que l’État ne puisse pas s’appuyer sur des violations de la Charte, le juge chargé de la révision doit, dès le début de l’analyse, retrancher les éléments de preuve qui ont été obtenus de façon inconstitutionnelle. Une fois ces éléments retranchés du fondement factuel, le tribunal applique le test de l’arrêt Storreypour déterminer si des motifs raisonnables et probables existent, compte tenu à la fois des composantes subjectives et objectives.
[41] La règle selon laquelle les motifs raisonnables et probables requis pour effectuer une arrestation ne peuvent découler des résultats d’une conduite inconstitutionnelle de l’État ne va pas à l’encontre du test énoncé dans l’arrêt Storrey. Comme nous l’avons expliqué précédemment, ce test exige que le policier croie subjectivement, mais aussi de façon objectivement raisonnable, que la personne arrêtée a commis une infraction. Il incombe à l’État de démontrer l’existence de tels motifs (Storrey, p. 250). Pour faire en sorte que l’État ne puisse pas s’appuyer sur des violations de la Charte, le juge chargé de la révision doit, dès le début de l’analyse, retrancher les éléments de preuve qui ont été obtenus de façon inconstitutionnelle. Une fois ces éléments retranchés du fondement factuel, le tribunal applique le test de l’arrêt Storreypour déterminer si des motifs raisonnables et probables existent, compte tenu à la fois des composantes subjectives et objectives. Dans le cadre de cette analyse, le tribunal tient compte de l’ensemble des circonstances dont le policier avait connaissance au moment de l’arrestation, mais n’y inclut pas les éléments de preuve qui ont été obtenus de façon inconstitutionnelle.
La population canadienne peut légitimement s’attendre à ce que les policiers connaissent la loi, surtout la Charte, et s’y conforment.
[43] La population canadienne peut légitimement s’attendre à ce que les policiers connaissent la loi, surtout la Charte, et s’y conforment (Tim, par. 30; Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2019 CSC 59, [2019] 4 R.C.S. 335, par. 6; R. c. McGuffie, 2016 ONCA 365, 131 O.R. (3d) 643, par. 67). Cela s’applique tout autant dans les situations qui évoluent. Comme l’a souligné la Cour dans l’arrêt Storrey, « [d]ans le cas d’une arrestation sans mandat, il importe encore davantage que la police établisse l’existence de ces mêmes motifs raisonnables et probables justifiant l’arrestation » (p. 249 (nous soulignons); voir aussi S. Coughlan et G. Luther, Detention and Arrest (2e éd. 2017), p. 91). Cette règle est également conforme aux principes qui s’appliquent dans les contextes de l’obtention d’un mandat de perquisition et de la fouille accessoire à une arrestation.
Lorsque des motifs d’arrestation sont fondés sur des éléments de preuve obtenus de façon inconstitutionnelle, ces éléments doivent être retranchés du fondement factuel. Toutefois, nous n’écartons pas la possibilité qu’il y ait des situations où, même après le retranchement de tels éléments de preuve, le policier procédant à l’arrestation satisfait néanmoins à la norme des motifs raisonnables et probables justifiant une arrestation.
[44] Avant d’aborder la façon dont les violations de la Charte qui découlent de violations antérieures doivent être prises en compte dans l’analyse fondée sur le par. 24(2), nous nous arrêtons pour souligner la distinction importante qui existe entre le retranchement et l’exclusion. Lorsque des motifs d’arrestation sont fondés sur des éléments de preuve obtenus de façon inconstitutionnelle, ces éléments doivent être retranchés du fondement factuel. Toutefois, nous n’écartons pas la possibilité qu’il y ait des situations où, même après le retranchement de tels éléments de preuve, le policier procédant à l’arrestation satisfait néanmoins à la norme des motifs raisonnables et probables justifiant une arrestation. Par exemple, si un policier arrête une personne après avoir effectué une fouille illégale, mais que la preuve ainsi découverte ne constitue qu’un des facteurs ayant mené à la décision de procéder à l’arrestation, l’arrestation sera tout de même légale si les autres éléments de preuve suffisent à démontrer l’existence de motifs raisonnables et probables.
[45] En outre, la règle du retranchement automatique ne crée pas, comme l’affirme le procureur général de l’Ontario, [traduction] « de règles d’exclusion catégoriques » (m. interv., par. 16). La question de savoir s’il y a eu violation de la Charte est distincte de celle de savoir si les éléments de preuve obtenus par suite de cette violation devraient être exclus du procès. Cette dernière question est examinée à l’étape de l’analyse fondée sur le par. 24(2), où le tribunal tient compte de l’ensemble des circonstances afin de déterminer si, tout bien considéré, le fait d’utiliser ces éléments de preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
Il est possible qu’une série de violations de la Charte, par exemple, accroisse cumulativement la gravité de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte.
[48] Fait important, une arrestation qui peut être considérée uniquement comme une violation consécutive est distincte d’un acte de l’État qui est caractérisé par une inconduite additionnelle ou indépendante, notamment une conduite qui peut être considérée comme étant une violation « indépendante » de la Charte (comme le fait de ne pas informer un accusé détenu arbitrairement de son droit à l’assistance d’un avocat lors de son arrestation). Dans de telles circonstances, l’acte subséquent de l’État est d’une nature différente et sera pris en considération de manière distincte lors de l’analyse fondée sur le par. 24(2).
[49] Il est possible qu’une série de violations de la Charte, par exemple, accroisse cumulativement la gravité de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte (voir R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353 (« Grant 2009 »), par. 75). Certains scénarios factuels soulèveront la question des violations cumulatives, ce qui pourrait indiquer l’existence d’une tendance à commettre des inconduites, plutôt que la question des violations consécutives qui, à elles seules, sont peu susceptibles de le faire (voir R. c. Lambert, 2020 NSPC 37, 472 C.R.R. (2d) 1, par. 361‑365, conf. par 2023 NSCA 8, par. 92‑103 (CanLII); R. c. Lauriente, 2010 BCCA 72, 251 C.C.C. (3d) 492, par. 12 et 30; R. c. Kossick, 2017 SKPC 67, 392 C.R.R. (2d) 250, par. 97‑98 et 126, conf. par 2018 SKCA 55, 365 C.C.C. (3d) 186; R. c. White, 2022 NSCA 61, 419 C.C.C. (3d) 123, par. 44‑61; Monney, par. 120; M. Asma et M. Gourlay, Charter Remedies in Criminal Cases (2e éd. 2023), p. 51).
Une arrestation illégale qui constitue une violation consécutive doit être prise en compte lors de la première et de la deuxième étapes de l’analyse fondée sur le par. 24(2), mais est peu susceptible d’avoir une incidence importante sur la gravité globale de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte.
[52] Une arrestation illégale qui constitue une violation consécutive doit être prise en compte lors de la première et de la deuxième étapes de l’analyse fondée sur le par. 24(2), mais est peu susceptible d’avoir une incidence importante sur la gravité globale de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte. En l’absence d’inconduite additionnelle de l’État, le point de mire de l’évaluation de la gravité demeurera vraisemblablement la violation initiale : en l’espèce, la fouille illégale précédente. Lorsque, comme en l’espèce, la conduite policière n’est fautive que dans une mesure « minime », la gravité de la violation initiale aura tendance à se situer au bas de l’échelle. Toutefois, dans d’autres affaires, l’inconduite initiale peut être qualifiée de plus grave; par exemple, si la conduite policière a été commise par inadvertance, mais était encore plus fautive. Dans ce dernier cas, bien que l’arrestation qui en découle soit toujours peu susceptible d’accroître considérablement la gravité globale de l’inconduite, la gravité serait déjà plus élevée étant donné que le point de mire est la violation initiale.
Dans les cas où l’inconduite tire sa source exclusivement de son lien avec la violation initiale de la Charte, et où les policiers croient sincèrement procéder légalement, il est peu probable qu’une conduite subséquente de l’État accroisse considérablement la gravité de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte.
[53] Cette approche est conforme à celle adoptée dans d’autres affaires. Par exemple, lorsqu’une fouille accessoire à l’arrestation a été déclarée illégale uniquement en raison de l’illégalité de l’arrestation qui l’a précédée et que l’arrestation ne témoigne d’aucune autre inconduite, une plus grande importance sera vraisemblablement accordée à l’arrestation en soi plutôt qu’aux conséquences [traduction] « ordinaires » ou aux « conséquences découlant normalement de l’arrestation » (voir R. c. Loewen, 2018 SKCA 69, [2018] 12 W.W.R. 280, par. 77‑78; voir aussi Tim, par. 49‑50 et 84‑87). Dans les cas où l’inconduite tire sa source exclusivement de son lien avec la violation initiale de la Charte, et où les policiers croient sincèrement procéder légalement, il est peu probable qu’une conduite subséquente de l’État accroisse considérablement la gravité de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte.
[54] Par contre, nous n’excluons pas la possibilité que, dans les cas où la violation initiale implique une inconduite délibérée, intentionnelle ou flagrante de la part de l’État, les actes subséquents considérés comme découlant de la violation initiale aient pour effet d’accroître la gravité globale de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte.L’analyse fondée sur le par. 24(2) dépendra évidemment des faits de l’espèce, et il faudra dans chacun des cas procéder à une « évaluation de la gravité de la conduite de l’État ayant donné lieu à la violation » (Grant 2009, par. 73). Toutefois, lorsque les policiers croient sincèrement n’avoir commis aucune violation initiale, les actes commis sur la base de cette violation initiale sont, à leur avis, légales et ne témoignent pas d’un mépris accru à l’égard des droits protégés par la Charte ou de la loi. Dans un tel cas, l’acte subséquent de l’État ou la violation consécutive n’a pas été commis de façon délibérée, et devrait donc être situé à l’extrémité des cas les moins graves de l’échelle de culpabilité (voir Tim, par. 82).
Lorsque des droits additionnels et les violations de ceux‑ci sont pris en compte dans l’analyse fondée sur le par. 24(2), il y aura forcément une incidence plus importante sur l’accusé, qui entre alors en jeu dans l’analyse du deuxième facteur énoncé dans l’arrêt Grant.
[55] L’incidence sur les intérêts de l’accusé protégés par la Charte est distincte de la gravité de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte. Comme l’a énoncé la Cour dans l’arrêt Grant 2009, afin d’évaluer ce facteur, le tribunal doit « examin[er] les intérêts protégés par le droit transgressé, puis évalu[er] l’ampleur des conséquences de la violation sur ces intérêts » (par. 77).
[56] Lorsque des droits additionnels et les violations de ceux‑ci sont pris en compte dans l’analyse fondée sur le par. 24(2), il y aura forcément une incidence plus importante sur l’accusé, qui entre alors en jeu dans l’analyse du deuxième facteur énoncé dans l’arrêt Grant. Il est nécessaire d’examiner toutes les violations constatées afin de brosser un [traduction] « tableau précis des effets des violations » (motifs de la C.A., par. 51). Le paragraphe 24(2) de la Charte exige que cet examen se fasse « eu égard aux circonstances ». Omettre de prendre en considération l’incidence d’une arrestation sur un accusé lorsque celle‑ci découle d’une violation précédente de la Charte ne tiendrait pas compte de l’ensemble des « circonstances ». L’arrestation en l’espèce était illégale et doit donc faire partie de l’analyse fondée sur le par. 24(2).
Si un tribunal conclut qu’une arrestation a été faite en violation de la Charte, il sera nécessaire de tenir compte d’une telle violation dans le cadre de l’analyse fondée sur le par. 24(2), notamment l’incidence sur les intérêts de l’accusé protégés par la Charte.
[57] En conséquence, nous rejetons le point de vue de la Couronne et des intervenants selon lequel nous devrions adopter l’approche décrite par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Jennings, 2018 ONCA 260, 45 C.R. (7th) 224. Dans cet arrêt, la cour a affirmé dans une remarque incidente que dans le cas des violations de l’art. 8 dans des affaires relatives à des échantillons d’haleine, il serait erroné, lors de l’analyse fondée sur le par. 24(2), [traduction] « de tenir compte non seulement de l’incidence de l’administration de la procédure de prélèvement d’échantillons d’haleine, qui est en soi peu envahissante, mais de l’ensemble de la procédure à laquelle fait face l’accusé après son arrestation », car cela créerait une règle d’exclusion catégorique (par. 27 et 32). En conséquence, nous préférons ne pas adopter l’approche proposée dans l’arrêt Jennings en l’espèce. Au contraire, si un tribunal conclut qu’une arrestation a été faite en violation de la Charte, il sera nécessaire de tenir compte d’une telle violation dans le cadre de l’analyse fondée sur le par. 24(2), notamment l’incidence sur les intérêts de l’accusé protégés par la Charte (voir R. c. Reilly, 2021 CSC 38, par. 3; voir R. c. Au‑Yeung, 2010 ONSC 2292, 209 C.R.R. (2d) 140, par. 41, 50 et 59). Tel sera le cas peu importe si l’arrestation illégale peut être considérée ou non comme étant une violation « consécutive ».
L’analyse fondée sur le par. 24(2) ne devient pas une règle d’exclusion automatique
[59] Les observations qui précèdent visent à fournir des indications dans des situations précises. Une violation « consécutive » n’est pas un nouveau « type » de violation de la Charte. Il ne sera pas nécessaire ni utile dans chaque cas de déterminer si la série d’actes de l’État comporte une violation « consécutive ». Cependant, cela sert de guide dans les cas où une arrestation découle d’une fouille, et que les deux sont jugées illégales lors du contrôle judiciaire. Dans de tels cas, le tribunal doit évaluer la gravité de la fouille ainsi que de l’arrestation. Cette dernière, étant donné que l’on s’attend à ce qu’elle ait lieu dans les circonstances, est peu susceptible d’accroître considérablement la gravité globale de la conduite de l’État portant atteinte à un droit garanti par la Charte, mais elle se traduira souvent par une incidence plus importante sur les intérêts de l’individu protégés par la Charte. De cette façon, l’analyse fondée sur le par. 24(2) ne devient pas une règle d’exclusion automatique, alors que le tribunal tient par ailleurs pleinement compte de l’incidence sur les intérêts de l’accusé protégés par la Charte.