R. c. Lacroix, 2017 QCCQ 834 (CanLII)
Le défendeur a-t-il refusé intentionnellement de fournir l’échantillon d’haleine exigé? Subsidiairement, le défendeur a-t-il, selon la balance des probabilités, présenter une excuse raisonnable?
[27] Le défendeur a-t-il refusé de fournir l’échantillon demandé? Son procureur plaide qu’il n’avait pas l’intention malveillante de ne pas souffler.
[28] Avec respect, le Tribunal considère qu’il a tort. Certes le défendeur a, en apparence, collaboré avec l’agent en tentant de fournir un échantillon d’haleine. Aucun subterfuge particulier n’a été remarqué sauf à une reprise où le défendeur a mis sa langue sur l’embout. Toutefois, l’agent a tenté à neuf reprises d’obtenir un échantillon d’haleine convenable, mais en vain. La vidéo montre que l’agent lui a donné, à plusieurs reprises, les directives sur la façon de souffler. Le défendeur disait aussi savoir comment faire. Le policier, voulant éviter toute confusion quant à la force du souffle à fournir, lui fait même une démonstration. Il va jusqu’à l’encourager d’une façon dynamique à continuer à souffler pendant plusieurs des tests administrés. À chaque fois, l’appareil indique une insuffisance d’air. L’accusé dit souffler du mieux qu’il le peut. Ainsi, nous nous retrouvons dans la situation décrite par le juge Michel Pennou de la Cour supérieure siégeant en appel dans Boucher c. R.[2] :
« [8] En pareille situation, deux principales possibilités s’ouvrent : l’échec de l’analyse est le fait de l’ADA ou de l’accusé. La preuve de bon fonctionnement de l’ADA joue alors un rôle central. Si le bon fonctionnement de l’ADA et de ses accessoires est prouvé, en l’absence d’excuse raisonnable, “il deviendra difficile d’entretenir un doute raisonnable” quant au fait que l’échec de l’analyse ne résulte pas du comportement de l’accusé. »
[29] Dans une analyse fort motivée – reprise avec approbation par la Cour supérieure[3] et notre Cour d’appel[4] – le juge Marco Labrie de notre Cour dans R. c. Tremblay[5], conclut ainsi :
« 38 Cependant, lorsque la poursuite prouvera que l’ADA et ses accessoires étaient en bon état de fonctionnement, et non obstrués, il deviendra difficile d’entretenir un doute raisonnable quant à l’acte coupable sans que l’accusé ne présente une preuve qui soulève un doute raisonnable à ce sujet.
39 Par ailleurs, il est toujours loisible à la défense de présenter une preuve qui met en doute le bon fonctionnement de l’ADA41 ou d’un embout, ou encore, qui met en doute la qualification ou les compétences de l’agent opérateur. Le juge des faits évaluera cette preuve avec l’ensemble des autres éléments pour tirer sa conclusion.
40 Pour déterminer si l’acte coupable est prouvé, il est donc essentiel d’évaluer l’ensemble de la preuve. Pour ce faire, tous les éléments sont soupesés, et, une fois réunis, peuvent potentiellement convaincre un juge que les insuccès répétés sont causés par l’accusé et par conséquent que l’acte coupable est démontré hors de tout doute raisonnable.
41 Dans la plupart des cas la preuve sera circonstancielle, et en conséquence, il faudra que l’acte coupable soit la seule conclusion raisonnable que l’on puisse tirer de l’analyse de l’ensemble de la preuve.
42 Chaque cas est un cas d’espèce et il appartient au juge de tirer sa conclusion basée sur l’ensemble des éléments de preuve. »
[30] Il ne fait aucun doute que l’appareil était en bon état de fonctionnement. Le policier a vérifié la conformité du calibrage au début de son quart de travail. Lorsqu’il a allumé l’appareil, aucun code d’erreur ne s’est inscrit. Les tests internes de l’appareil se sont déroulés sans problème. Comme le défendeur affirme souffler suffisamment, le policier a utilisé trois embouts afin de s’assurer que ce n’était pas la cause des échantillons insuffisants. D’ailleurs, le défendeur n’allègue aucunement une quelconque obstruction dans son témoignage. Les embouts ont été conservés et mis en preuve. Le Tribunal a pu constater l’absence d’obstruction ou de défectuosité apparente. Le nombre de tests est à la hauteur de la patience et de la volonté du policier d’obtenir un échantillon convenable. Les indicateurs sonores étaient conformes aux observations du policier lors de chacun des essais. Peu après les tests, le policier a personnellement soufflé dans l’appareil. Le souffle est identique à celui effectué lors de la démonstration faite au défendeur. Un résultat s’est affiché démontrant ainsi la fonctionnalité de l’appareil.
[31] Le défendeur souligne ses problèmes de santé pour justifier son incapacité. Il dit à l’agent qu’il est un gros fumeur. Au procès, il affirme avoir des problèmes pulmonaires qui l’empêchent de souffler des ballons. Parler l’essouffle. Pourtant, lors de ses discussions avec l’agent lors de l’intervention, il ne donne pas cette impression. L’agent conclut que le sujet semble en bonne santé. La vidéo va dans ce sens également. De plus, malgré son état de santé, il n’a jamais consulté un médecin. Puis, pour se justifier davantage, il évoque avoir pris des médicaments qui ont pour effet de geler sa dent. Il est à noter qu’il n’a jamais indiqué au policier que son manque de souffle pourrait découler de sa médication. Ces simples affirmations ne sont pas de nature à soulever un doute raisonnable. L’intention de ne pas fournir un échantillon convenable s’infère des nombreux tests tentés et de leurs échecs. Pour paraphraser le juge Pennou dans l’affaire Boucher, précitée[6], le défendeur « ne présente pas d’excuse raisonnable, pas de preuve d’incapacité à fournir l’échantillon demandé. Il ne met de l’avant que la bonne volonté qu’il manifeste lors de l’exécution des tests ».
[32] À la lumière de l’ensemble de la preuve, le Tribunal considère que la culpabilité est la seule conclusion raisonnable. Les insuccès répétés des tests sont causés par le défendeur et par conséquent, le Tribunal considère que l’acte coupable est démontré hors de tout doute raisonnable.